Complotistes absolus et gauche anti-complotisme, les idiots utiles de l’oligarchie

 

Il y a environ un an, je publiais un de mes premiers articles, traitant des erreurs comportementales vis-à-vis du complotisme, que ce soit ceux qui en voient partout ou ceux qui en voient nulle part.

Aujourd’hui, ma position reste inchangée, mais j’ai plus de vécu pour en parler, aussi je me permets de mettre à jour cet article, renommé à l’occasion.

 

Le trio gagnant du complotisme, trois boucs émissaires

 

Histoire d’être bien au point sur le terme, ce que moi j’appelle complotiste est une définition bien précise. Ce n’est pas seulement quelqu’un qui voit des complots ci et là, à la limite, il fait et pense ce qu’il veut ; non, un complotiste pour moi rajoute une dimension arrogante à ses propos, en se positionnant comme détenteur de l’unique vérité et considérant les autres comme des moutons. Or, s’il est possible qu’il ait raison sur certains sujets (j’y reviendrai), force est de constater que cette méthode est contre-productive, et qu’il convient de qualifier les autres de naïfs qu’une fois leur entêtement avéré. (Sur des sujets qui valent le coup d’être débattus).

 

J’ai personnellement identifié trois figures associées de manière récurrente aux potentiels complots. Tout d’abord, Les francs-maçons.

Je ne cache pas ma passion pour l’ésotérisme. Parler de francs-maçons m’a toujours tenu à cœur. Pour rappel, il s’agit d’une organisation secrète (dans le sens où ses actes ne sont pas publics) œuvrant pour le développement et le progrès de l’humanité. S’il s’agit réellement de ces objectifs de vie, le danger n’est pas de ce côté. Pourtant, nombreux ont été les gens à se lancer dans une chasse aux sorcières, tels les nazis et les vichystes pendant la seconde guerre mondiale, pour en finir avec le grand complot des loges. Associés à tort à un laïcisme acharné, à la limite de l’anticléricalisme, ils sont pointés du doigt dès qu’il s’agit de parler politique, et cela me désole. L’exemple le plus frappant reste Jean-Luc Mélenchon. Difficile d’ignorer le soutien que je lui apporte, un soutien cependant modéré et qui ne doit pas vous empêcher de vous renseigner par vous-même. Bref, beaucoup de ses détracteurs trouvent comme défaut à JLM son appartenance à une loge maçonnique. Cela est purement risible pour deux raisons ; il n’a jamais été très impliqué dans la Franc-maçonnerie, et son appartenance ne conditionne que faiblement son programme politique.

En effet, nombreux sont les hommes politiques à être franc-maçon, comme une bonne moitié du gouvernement Valls (lui le premier, et bien plus assidu que monsieur Mélenchon) ou encore Gilbert Collard. On constate ainsi une diversité d’opinions politiques, qui pourtant convergeraient toutes vers les loges maçonniques d’Orient et d’Occident ? Cela nous amène à deux conclusions : ou la défense d’idéologies différentes n’est qu’une façade, ou l’influence de la franc-maçonnerie est à relativiser. De mon point de vue, c’est clairement du côté de la seconde option que je me pencherai. En effet, je vois la franc-maçonnerie comme un simple club de lecture : trois hommes, qu’on nommera George, Benjamin et Wolfgang, sont des amateurs de lecture. Par des contacts, ils sont amenés à rejoindre un club de lecture. Pourtant, George préfère la lecture politique alors que Benjamin est plus porté sur les sciences, et Wolfgang la musique. Un jour, une bibliothèque prestigieuse propose trois places pour s’inscrire. Le club suggèrera alors George, Benjamin et Wolfgang. En dehors de l’apparent pistonnage, qui se pratique en effet par la franc-maçonnerie dans une moindre mesure, ce que démontre cet exemple reste surtout qu’un intérêt commun entre plusieurs personnes ne peut pas pour autant témoigner d’une convergence d’opinions. La place qu’occupe la franc-maçonnerie, essentiellement la loge du Grand Orient de France, dans la vie politique française, se cantonne selon moi à du pistonnage comme on en voit partout, et à une logique simple à comprendre : puisque les objectifs premiers de la franc-maçonnerie relèvent du futur de l’humanité, il est normal que leurs membres soient amenés à faire de la politique (et inversement). Après, si l’on se base sur les agissements de francs-maçons comme Manuel Valls, on peut constater que certains ont largement dévoyé les objectifs qui devaient être les leurs.

 

Les seconds choux gras des complotistes sont sans doute les sionistes. Par ce terme à l’utilisation volontairement floue sont désignés les partisans de la création d’un état d’Israël, et plus particulièrement du lobby sioniste, qui manipulerait les états pour que leur Terre promise leur soit enfin acquise.

La question israélienne est délicate. Ici aussi, plusieurs avis sur la question sont courants, et pour ma part, si les israéliens ont droit à un état, les palestiniens aussi, et de manière beaucoup plus légitime. Depuis la restructuration du Moyen-Orient par les britanniques et les occidentaux en général, c’est un bazar complet que cette zone du monde, et l’Etat d’Israël, parasité par des extrémistes religieux ou politiques (le Likoud et cette calamité diplomatique qu’est Benjamin Netanyahou) se met souvent tout le monde à dos (et lorsqu’il s’agit d’une énième expansion en Jordanie, la critique est amplement justifiée). Il existe donc un lobby, essentiellement aux Etats-Unis, qui défend coûte que coûte l’expansionnisme (certains petits malins remarqueront la proximité des termes) d’Israël. Une théorie courante veut que depuis bien longtemps, ces sionistes tireraient les ficelles du monde. Les théories abjectes du négationnisme, auxquelles je n’accorderai pas une seule once de respect, ne doivent pas effacer la surenchère dans les commémorations de l’holocauste, qui instaure un déséquilibre dans le souvenir. Cette échelle informelle du génocide, où l’holocauste est premier, aurait poussé les états à céder aux exigences d’Israël. S’il est vrai que la shoah a accélérée le processus de création d’un état d’Israël,  celle-ci n’est pas pour autant un canular monté de toute pièce. Mais ajoutez à cela l’omniprésence des juifs dans les milieux financiers (pour raison historique et religieuse), et vous obtenez la théorie classique du sioniste et de ses marionnettes politiciennes.

Pire encore, cette obnubilation pour les sionistes, qui ne valent pas mieux que n’importe quel lobby, conduira à une assimilation de l’antisionisme à l’antijudaïsme, tous les juifs étant vus comme des sionistes convaincus. Ce dangereux parallèle étant propagé par des pro-palestiniens souvent fan de l’intouchable Dieudonné, on peut imaginer la popularité de ces thèses au sein des milieux populaires, ce qui, on ne va pas se mentir, contribue à l’image négative de ces banlieues.

 

Enfin, il existe aussi un troisième sujet récurrent parmi les thèses complotistes, qui prête souvent à rire, alors qu’il devrait plus faire réfléchir. Je parle ici (et c’est une nouveauté par rapport au billet de l’année dernière) des aliens.

Que ce soit en délires nés sur le web ou avec des thèses issues de l’imagination populaire, les complots à base d’extraterrestres ne manquent pas, mais demeurent souvent les plus improbables, comme les classiques reptiliens par exemple. Mais ici, ce troisième chou gras montre l’une des limites de la lutte contre le complotisme. Puisque les personnes citant les aliens à toutes les sauces étant décrédibilisées (parfois à raison), tout sujet traitant des aliens est donc immédiatement classé comme risible. La question intéressante de la vie extra-terrestre, qui en ne se résumant pas à des humanoïdes verdâtres, prouve que la présence d’aliens décrits comme des humains est peu probable, puisque la vie extra-terrestre est plus logiquement microbienne. La théorie des anciens astronautes est tout à fait passionnante, à tel point que même moi, pourtant affilié à la chrétienté, je ne puis m’empêcher de l’imaginer comme potentielle vérité. Enfin, l’exploration spatiale a aussi son lot de discrédit, rapidement passée dans le domaine de la science-fiction futile dès qu’il s’agit d’aborder la terraformation de Mars par exemple. En cela, Jacques Cheminade (encore lui) est prisé par les antis complotistes, qui voient en lui la quintessence de ce contre quoi ils luttent, alors que seule une petite partie de ses positions relève plus du complotiste que du pragmatisme géopolitique. Bref, voir des aliens partout porte surtout préjudice aux uniques cas où il serait effectivement question d’extraterrestres.

Ces discrédits observés sur des sujets divers et variés me conduisent donc  à aborder le cas délicat de la lutte contre le complotisme.

 

La lutte contre le complotisme, ou le triomphe du manichéisme

 

Après un an d’activisme sur les réseaux sociaux, à répandre mes idées en toute impunité, j’ai fini par me rendre compte qu’une frange de la gauche, qu’on va appeler la gauche naïve, combat ardemment le complotisme, quitte à confirmer les versions officielles provenant d’une oligarchie contre laquelle ils veulent pourtant lutter. En effet, si ceux qui voient des complots partout handicapent le débat, par leur position souvent violente avec ceux qui ne pensent pas comme eux, l’extrême inverse fait de même, et c’est même plus dérangeant encore. Visiblement, les propos nuancés sur la géopolitique restent une science inaccessible au plus grand nombre.

 

Faisant écho à mon article précédent sur la Russie, ces sites majoritairement sont situés entre la gauche et l’extrême gauche, et parmi leurs fixettes quotidiennes, on trouve les quelques sites « de mauvaise réputation »  comme Boulevard Voltaire, RT, et j’en passe. Evidemment, ces sites sont à visiter avec une extrême précaution, surtout que la réputation de Thierry Meyssan n’est pas totalement usurpée. Pourtant, peut-on considérer que les sites « officiels » disent toujours la vérité ? Quand dans une émission grand public, sur la tranche horaire de 20H, un économiste réputé (mais surtout à la solde du système) raconte des mensonges pour discréditer un candidat, on peut se poser la question de la légitimité de ces média pour raconter la vérité. (C’était dans des paroles et des actes l’année dernière).

C’est pourquoi il importe selon moi de savoir faire un choix, et ne pas considérer les sites blacklistés comme des pestiférés. Un article sur le trafic de pétrole entre Daesh et la Turquie, peut-on espérer le trouver sur les média officiels ? Un point de vue russe sur le conflit syrien peut-il être relayé par les grands média ? Le système actuel fait en sorte qu’il n’y ait qu’un seul point de vue, et bien que ces sites sombrent parfois dans la catégorie des complotistes, ils sont nécessaires tant que les média ne seront pas aussi libres qu’ils prétendent l’être.

 

Cette pseudo-lutte pour la vérité devient plus dérangeante lorsqu’un véritable manichéisme s’installe. S’appuyant sur des propos complotistes, ils empêchent toutes réflexions sur le sujet. Le 11 Septembre illustre assez bien cela. Si l’effondrement des tours et les avions sont réels, peut-on pour autant nier le rôle prépondérant de la Cia et de l’Arabie Saoudite ?

Il convient donc de relativiser, essentiellement lorsqu’il s’agit de questions internationales.

Ainsi, si Daesh n’a pas été créé de toute pièce par les américains, l’invasion de l’Irak par ces derniers et un soutien indirect à toutes rébellions islamistes dans la région pourrait tout à fait passer pour la cause principale de la naissance de ce groupe, ce que je pense d’ailleurs. N’oublions pas que la radicalisation d’Al-Baghdadi s’est passée dans les camps irakiens.

De même, le sujet syrien divise profondément la gauche avec cette question de complot, puisque soutenir un pragmatisme en politique internationale revient souvent pour les autres à soutenir le régime ; et évoquer des faits que les média occidentaux occultent reviendrait donc à relayer des fausses informations. Je l’ai déjà plusieurs fois évoqué, mais cette vision en noir et blanc, un défaut que partagent pourtant les vrais complotistes, est plus que dangereuse pour la compréhension des rapports géopolitiques.

Discréditer Jacques Cheminade (toujours lui) au prétexte qu’il ait pu tenir des propos complotistes est aussi un comportement courant ; et le fait que des petits candidats soient toujours assimilés au bouffon du village a sans doute un rapport direct avec ça. Cheminade donc, a tenu un moment des propos sur des banques condamnées pour blanchiment d’argent de la drogue, banques en lien avec la famille royale. Aussitôt dit, aussitôt fait, voilà qu’il est accusé de tenir la reine d’Angleterre pour responsable de trafics de drogue…Le cantonnant dans ce rôle de dissident jovial et à côté de la plaque, tout le volet social et financier de son programme, pourtant satisfaisant pour la gauche, est jeté à la trappe.

Enfin plus récemment, la nomination du neveu de John F. Kennedy à la tête d’une commission sur les vaccins aux USA a rappelé que Robert Kennedy était avant tout un opposant virulent aux vaccins tels qu’ils sont vendus actuellement. Ce qui pour la gauche anti-complotiste devient rapidement « Robert Kennedy, conspirationniste bien connu pour son opposition aux vaccins ». (Ou du moins, ça s’en rapproche). Mais en quoi est-ce un mal de se méfier de l’industrie pharmaceutique, qui avec son lobby peut tout prouver au niveau scientifique en sa faveur ? La lutte contre les complotistes vire visiblement à un maccarthysme insupportable, teinté de naïveté.

 

La victoire de l’oligarchie

 

Je parle beaucoup, et je ne suis pas le seul, d’une oligarchie comme source principale de nos maux. Certains y verront un bouc émissaire, mais c’est pourtant un constat facile à faire.

Chaque année, des évènements comme le forum de Davos rassemblent les principaux acteurs politiques et économiques de ce monde. Chaque année aussi, la commission européenne détermine quelle sera notre politique économique. Enfin, à travers des opinions voulues comme incontestables, objectives, et communes, on assiste à une uniformisation de la pensée. Je ne souhaite pas m’étaler là-dessus, je pense que le dernier livre de Natasha Polony le fait beaucoup mieux et en plus détaillé.

Une oligarchie presque mondiale, guidée par un néolibéralisme presque divinisé, semble donc tenir les rênes. Nos gouvernements y ont prêté allégeance, sans doute parce que tout est fait pour que seule une caste politique remporte la bataille du pouvoir (cf billet sur la démocratie)

Ces propos que je tiens sont qualifiés, si on suit la logique, de complotistes. Le gouvernement lui-même avait créé un outil informatique capable de juger si un potentiel complot était crédible ou pas. Mais pour autant, sont-ils faux ? Une même politique économique qui profite à une minorité, une population abrutie par un appauvrissement culturel et par son infantilisation, tout cela ne témoigne-t-il pas de la mise en œuvre de moyens importants pour façonner le monde à l’image du néolibéralisme ? Pour arriver à ces fins, tous les moyens sont bons. On manipule l’opinion avec des journalistes méprisant leur déontologie, on fait des coups d’états sans songer aux conséquences derrière, et on va jusqu’à traiter avec des fanatiques religieux (à l’extrémisme exacerbé au préalable) pour maintenir sa domination. Ce système existe, je n’invente rien, et son but n’a rien d’extraordinaire, il se résume uniquement à l’assouvissement des pulsions cupides et mégalomanes de certains.

Bien sûr, ces propos sont impossibles à prouver. Quelle personnalité politique irait confirmer cela ? Mais absence de preuve n’équivaut pas à preuve d’absence.

En cela, les deux positions extrêmes vis-à-vis de ces appréciations dissidentes de la réalité sont tenues par des idiots utiles du système. Les uns jettent le discrédit sur tout en propageant des inepties teintées de morceaux de réalité, et les autres restent dans leur vision manichéenne, où, bien que cette oligarchie existe, le meilleur moyen de lutter contre elle demeure la lutte contre l’extrême-droite, le complotisme, et Vladimir Poutine. Beau programme. Pendant que certains accusent Obama d’être un reptilien et d’autres pointent du doigt des divergences des versions officielles, l’oligarchie se réjouit, car personne n’ira la remettre en cause. C’est d’ailleurs à ça que sert l’outil du gouvernement (on te manipule), qui par son titre prémonitoire et réaliste, laisse entendre que les complots existent, mais qu’il est peu probable que l’on en trouve.

 

Défendre le pragmatisme géopolitique, la lutte contre l’oligarchie néolibérale et contre l’uniformisation du monde devrait être un combat partagé par tous ; au lieu de cela, on s’arrête à l’opprobre jetée sur tel site ou sur la première théorie vaseuse qui passe. Lorsque les gens voient le monde en blanc et noir, moi je le vois gris. C’est ça, être lucide.

 

média libéral Union européenne histoire sionistes charlie meyssan complot franc-maçon poutine russie culture terrorisme cheminade USA 11 septembre