temps de cerveau disponible...

 

J’ai beaucoup critiqué les média depuis que je tiens ce blog, mais c’était essentiellement sur leurs aspects anti-démocratiques. Pour ce qui est du côté abrutissant de la télévision, on m’aura beaucoup moins entendu. Voici donc un petit dossier sur la télévision et la publicité, qui sous certains aspects pourrait me faire passer pour un réactionnaire, mais le progrès aura rarement porté son nom correctement depuis les dérives de la mondialisation, et le petit écran reflète assez bien cela...

 

I. Quand divertissement rime avec abrutissement

 

Quand j’ai commencé à parler politique sur internet, c’était essentiellement pour critiquer cette société actuelle qui a totalement dévoyé les loisirs et le divertissement pour en faire un moyen d’affaiblir les masses. Cette première partie constitue donc un retour aux sources…

On a l’habitude de dire que du pain et des jeux suffisent pour maitriser le peuple, mais la télévision ne se contente pas de proposer cela, elle va bien au-delà.

 

Tout d’abord, et je l’ai déjà dit aussi, la téléréalité est symptomatique de cette dérive. Les journaux « people » ne suffisant pas, il a fallu qu’on invente leur pendant télévisuel. Officiellement, si on se réfère aux définitions communément admises, bon nombre de programmes sont des téléréalités. Mais il va sans dire qu’une seule catégorie représente réellement un danger, à savoir le voyeurisme avec protagonistes limités intellectuellement en plus. Aucun intérêt culturel et aucune dignité semblent être les slogans officieux de ces calamités dont le public reste plutôt friand. D’un point de vue psychologique, je serai tenté d’expliquer ce phénomène par une perte de la confiance en soi chez 10-24 ans, qui verraient à travers cela un moyen de se valoriser. Et moi qui pensais naïvement que c’était l’expression culturelle et l’art de la rhétorique qui devaient jouer ce rôle…

L’autre solution, cumulable avec la première, reste sans doute le panurgisme. Sans vouloir rentrer dans la polémique conspirationniste (mais j’en pense pas moins), j’estime qu’il existe une certaine tendance encouragée dans notre société, un certain modèle de vie. Cet idéal destiné aux jeunes essentiellement promouvrait ainsi l’absence de prise de tête (pas trop de réflexions intellectuelles), le culte du corps au stade narcissique et une vision extrême du carpe diem (vie nocturne remplie fréquemment, etc…). Le tout accompagné d’un luxe tapageur, afin de rendre encore plus attirant ce cocktail que n’importe quel enfant éduqué suffisamment devrait être en mesure de refuser. Il est intéressant de noter que ce style de vie sans restriction pourrait tout à fait préparer à une acceptation du libéralisme le plus poussé, toute limite s’assimilant dès lors à des entraves injustifiées.

Face à ce fléau, il est difficile d’agir. Comme il était précisé au début, beaucoup d’émissions sont définies comme « téléréalité ». Vouloir tout supprimer serait absurde. Pour ma part, j’ai trouvé la parade avec la création d’un droit à la dignité médiatique, qui permettrait de sanctionner les plus nocives d’entre elles.

 

L’autre pendant de la téléréalité (dont les acteurs sont souvent des transfuges) restent les émissions de divertissements actuelles, essentiellement celle d’Hanouna. Au-delà de toutes les polémiques justifiées à l’encontre de ce programme visiblement intouchable, il conviendrait de relever l’usage fréquent de la dérision, qui sous prétexte d’humour, permet d’évacuer les vraies questions, ou pire, de faire passer des avis subjectifs pour des vérités universelles (Je pense alors aux Guignols de l’info par exemple). Grand amateur d’humour, je sais pertinemment que des personnes avec moins de recul pourraient facilement se faire manipuler.

 

Dans une moindre mesure, les télé-crochets illustrent assez bien ce que devient la télévision actuellement. Non pas que ce soit une nouveauté, mais la tournure qu’ont pris ces émissions est plutôt parlante. Depuis les années 80 (Décennie décisive pour le déclin économique, cela dit en passant), le monde de la musique voit apparaitre de plus en plus d’artistes jetables. Dans un monde où l’immédiat et le court terme font la loi, cela n’est guère surprenant. Mais depuis les années 2000, la musique perdant en qualité en même temps qu’elle avance, la scène culturelle se retrouve fortement appauvrie, avec la promotion intensive de la platitude musicale. Erigés au rang de star, la gloire de ces artistes n’est souvent qu’éphémère, comme si notre civilisation ne pouvait plus se résoudre à inscrire sa culture dans le marbre. Enfin, les sms surtaxés rajoutent une touche de cynisme au tableau que je viens de dresser.

 

Pour financer et diffuser ces divertissements, les chaines de télévision font en général appel à des annonceurs, businessmen sans morale prêt à tout pour vendre leur produit. Et en effet, la télévision ne s’analyse pas uniquement à travers ses programmes, mais aussi par son contenu publicitaire.

 

II. Une publicité à la dérive

 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont ni les dernières « innovations » en matière d’inepties télévisuelles, ni les dérapages à répétitions de Cyril Hanouna, qui m’ont poussé à faire ce petit dossier, mais beaucoup plus mon agacement croissant face à la publicité.

Qu’il faille financer le contenu proposé, soit, pour autant, est-il nécessaire de gérer l’espace publicitaire d’une manière des plus désastreuses ?

 

Tout d’abord, et très peu de candidats à la présidentielle l’ont mentionné, l’utilisation surabondante de l’anglais dans la publicité est problématique. Que ce soit le cas dans la musique est certes regrettable, mais il y a des justifications. Pour autant, l’usage d’un franglais des plus détestables, conçu pour le « marketing » et le business, ne devrait pas être la norme. On pourra citer Bayer avec son slogan « science for a better life », qui en plus d’être cynique quand on sait qu’ils ont fusionnés avec le criminel Monsanto, devrait être en Allemand (puisqu’entreprise originaire d’Allemagne). Et on ne compte plus les entreprises françaises qui font de même. De plus, la plupart des mots étant extrêmement compréhensibles, la loi précise pourtant qu’une traduction est nécessaire. On se retrouve ainsi avec des slogans originaux (en provenance de pays anglo-saxons donc) traduits littéralement pour se donner bonne conscience. On frise ainsi le ridicule, ce qui est bien peu comparé aux autres problèmes à soulever.

 

Cette correspondance aux codes du marché et de la pensée actuelle n’a rien d’étonnant, quand on constate que tout dans la diffusion publicitaire prépare à une acceptation du néolibéralisme. Bon nombre de slogans sont souvent des incitations à l’individualisme et au concept de client-roi. Né avec l’avènement de la mondialisation, l’idée que tout est dû au consommateur est un non-sens, plaçant l’offreur (ou plutôt l’intermédiaire de l’offreur) sur un siège éjectable. Il en sera question dans les publicités pour compagnie d’assurances, où l’entreprise se promet d’intervenir n’importe quand pourvu qu’on leur téléphone. De même, Amazon, Uber ou Deliveroo sont autant d’exemples récents qui confortent cette théorie. Néanmoins, le plus parlant reste encore la place accordée aux femmes dans ces réclames.

 

Si la télé ne s’est jamais vantée (à juste titre) d’être morale, la publicité y est sans doute pour quelque chose. Alors que la société essaye (ou donne l’impression d’essayer) de réduire le sexisme, la publicité, elle, ne semble pas concernée. Utilisées majoritairement comme des marchandises, les femmes ne servent que d’arrière-plan dénudé quand il s’agit de vendre un produit. Certains hommes aussi à vrai dire, essentiellement dans le domaine de la cosmétique.

Autre aspect immoral, l’émergence du domaine médico-pharmaceutique chez les annonceurs. Dans l’ancien monde, on allait chez le médecin qui nous prescrivait un médicament. Dans un monde de « progrès », on regarde la télévision pour savoir ce dont nous avons besoin. A-t-on réellement besoin de ça ? On parle d’une maladie à soigner, pas d’une envie à satisfaire. Les publicités pour parfum sont quant à elles tellement nombreuses qu’on finira par culpabiliser de ne pas en acheter. Mais la télévision est-elle la mieux placée pour nous démontrer l’intérêt d’une quelconque fragrance ?

 

Il y aurait tellement à dire encore, mais cela suffit amplement pour démontrer que je n’apprécie pas particulièrement le concept de la publicité, quand bien même elle demeure la meilleure source de revenus pour une chaine télévisée. Mais peut-on encore souhaiter à la télévision de faire des bénéfices, étant donné l’état d’abandon dans lequel elle se trouve, état semblable aux autres média français ? 

 

III. Un espace médiatique gangréné et délaissé

 

Ces problèmes décrits ci-dessus semblent intrinsèques au domaine télévisuel, mais cela concerne en réalité l’intégralité de l’espace médiatique, que ce soit Internet, panneaux publicitaires ou journaux. Pour ces derniers, mes nombreux textes sur le sujet laissent déjà deviner ce que j’en pense.

 

Sur Internet, les principaux points à soulever concernent la liberté totale offerte à la jeunesse, qui en un clic à accès à tout et n’importe quoi, et pas uniquement des données éducatives comme certaines bonnes âmes l’espèrent. Le panurgisme, déjà très présent à cet âge-là, se manifeste alors plus violemment encore. Sur YouTube, nombreux sont les enfants de moins de 13 ans, pourtant interdits de plate-forme en ligne, à se lancer dans la vidéo, au risque de perdre une partie de leur enfance (problème de l’enfant-star) ou de se perdre dans des concepts superficiels uniquement développés pour faire des vues.

Les réseaux sociaux ne sont pas en reste, où la liberté totale chère au libéralisme s’offre alors une cure de jouvence, liberté néanmoins limitée par une censure destinée à calibrer le monde du web dans les normes américaines. Le tout reste assez lié avec la publicité, puisque les entreprises pratiquent désormais un ciblage encore plus efficace pour vendre des produits toujours moins durables.

Enfin, dernier support auquel on ne pense plus, les panneaux publicitaires qui défigurent nos paysages ou s’intègrent correctement dans nos villes sont eux aussi des témoins de la triste situation du monde médiatique. Ici, la femme est presque systématiquement exposée comme marchandise (plus qu’à la télé d’ailleurs), les offres sont encore plus malhonnêtes (valoriser visuellement le prix au mois alors que le total reste absolument élevé par exemple) et l’usage de l’anglais est monnaie courante (et les traductions littérales encore plus).

 

La critique est aisée, certes. Mais en prenant la peine de réfléchir un peu, les solutions qui s’offrent à nous semblent tout aussi faciles.

La France a abandonné son secteur médiatique. Anciennement autoritaire au point de contrôler drastiquement les média, elle est arrivée aujourd’hui au comportement inverse. Le CSA tente bien parfois d’intervenir, mais il demeure impuissant face aux excès d’immoralités et d’absurdités commerciales, d’autant plus que le web et essentiellement YouTube demeurent ignorés aux yeux de l’état. En dépit d’une consultation de l’ex-ministre déléguée au numérique Axelle Lemaire, le gouvernement Hollande n’a jamais donné l’impression de se préoccuper de ce qui reste pourtant un pilier de la démocratie ; à savoir un espace médiatique assaini (sans pour autant être aseptisé).

 

Pour les panneaux publicitaires, il devient urgent de nettoyer tout ça aux environs des villages et des campagnes, et de réguler l’utilisation d’acteurs dans les publicités. Proposer un moratoire sur la marchandisation de l’image du corps féminin (et masculin dans d’autres proportions) me semble nécessaire. Cesser d’utiliser l’anglais quand on s’adresse à un public français serait aussi une idée intéressante.

Concernant la télévision, la démocratisation de programmes documentaires pour tous publics n’est pas à reléguer au second plan. Relancer «  C’est pas sorcier » serait peut-être délicat, mais pourquoi ne pas imaginer d’autres émissions du même genre, peut-être spécialisées dans la culture ou l’histoire par exemple. Pour avoir été un spectateur assidu de la chaine RMC découverte, je ne peux que déplorer que tant de concepts de documentaires au quotidien soient réservés aux productions américaines. N’a-t-on vraiment plus aucune idée en France ?

Plus radical encore, il devient urgent de bannir les émissions de téléréalité. Dans la constitution (sans prétention) que j’essaye de fonder, un droit à la dignité visuelle sera ainsi proposé, afin de justifier l’arrêt de ces « émissions » auprès d’un public habitué à ingurgiter de la basse qualité à longueur de journée. Enfin, le CSA devenu Conseil supérieur des Média aurait plus de pouvoirs, et serait peut-être plus sévère envers ceux qui le méritent. (En  conservant un contrôle citoyen ou parlementaire pour se prévenir contre les dérives de la censure).

Quand au contenu d’Internet, si mettre la main sur la partie amorale du Dark web n’est pas à la portée d’un seul mandat, mieux gérer le secteur web semble prioritaire, surtout pour la jeunesse qui se dirige essentiellement vers cela. Pourquoi l’état français ne pourrait-il pas prendre en main Dailymotion, le temps de développer une plate-forme de vidéo française performante ? Pourquoi devrions nous nous contenter de ce que propose Google (et Microsoft au passage) alors que notre pays est réputé pour ses talents dans le numérique ? Enfin, nos lois doivent être adaptées à ces défis, et la question des droits d’auteurs, prioritaire, doit être abordée avec sérieux et rapidité.

 

Grand oublié de la campagne présidentielle, le secteur médiatique doit être réformé de fond en comble. Afin de développer un véritable essor culturel à la télévision et de mieux encadrer le secteur du numérique, il est temps de prendre en compte les nombreux problèmes que le système a toujours prit plaisir à occulter, pour proposer dans les décennies à venir des média sains et instructifs.

Ajouter un commentaire