Créer un site internet

russie

Ukraine-Russie, devenons-nous fous ou cons?

Pour une raison de confort de lecture, le billet suivant existe sous forme de PDF:

Sivispacemparabellumsivispacemparabellum.pdf (76.53 Ko)

 

Si vis Pacem, Para Bellum

Des dérives médiatiques sur la guerre en Ukraine et autres considérations sur le futur militaire de la France

 

Le 24 février 2024, nous fêterons les deux ans du conflit le plus important sur le continent européen depuis des décennies. Au-delà du fait de voir s’affronter ainsi deux anciens frères que la guerre froide, le banderisme puis les magouilles américaines ont contraint de s’éloigner, ce conflit a surtout mis en lumière les pires défauts de l’être humain.

 

Ici, le but n’est pas de revenir précisément sur les retombées humaines et directement matérielles de ce conflit. On connaît tous les conséquences d’une guerre. Ses victimes militaires et civiles, ses villes rasées, ses pays dévastés. Non, la Russie n’avait pas à s’aventurer ainsi sur le territoire souverain ukrainien. Rares sont ceux à concevoir que la Russie était dans son bon droit à intervenir et à envahir la totalité de l’Ukraine. Était-ce d’ailleurs même son objectif ? Ici donc, il n’est pas question de venir faire du signalement de vertu en déclarant que Poutine n’est qu’un méchant qui a fait du mal. Déjà parce que cela n’avance à pas grand-chose, et qu’à part les philosophes médiatiques, personne ne doit se croire pertinent en le répétant en boucle. Ensuite, parce qu’il n’est pas le seul acteur de ce conflit.

 

Une légende populaire veut que Poutine, tyran seul aux manettes, déplacerait ses troupes et aurait porté toute la guerre sur ses larges épaules. En vérité, l’impopularité de la guerre au sein de la Russie doit être relativisée. Le scénario romantique selon lequel le dictateur imposerait ce conflit à toute une population qui y serait opposée tend à la naïveté. À vrai dire, de mon point de vue, il existe beaucoup moins modéré que le président russe. Si lui réussit encore à apparaître maître de ses propos, son collègue Dmitri Medvedev est bien plus enclin à mettre de l’huile sur le feu, à grand coup de tirades anti-occident et anti-France très remontées et belliqueuses. Que dire sinon de ces parlementaires de la Douma qui plaideraient presque pour un anéantissement nucléaire ?

Il existe même un amalgame selon lequel un opposant à Poutine serait nécessairement opposant à la guerre, ce qui est là aussi une vision naïve des choses. Il ne me semble pas que le parti communiste russe s’y soit opposé à l’époque.

Tout ça pour dire dans un premier temps que personnifier ce conflit avec Poutine est une erreur.

 

Je ne suis pas ici pour encenser le pouvoir russe. D’ailleurs, sa politique intérieure ne me parle pas plus que ça. Je ne considère pas le pouvoir russe, et encore moins la Russie, comme un ennemi, en effet. Afin d’avancer honnêtement sur ce chemin, je tiens à admettre que je suis plutôt favorable à une Crimée russe, bien que je déplore la violence des séparatistes russes en leur temps. Ce soutien critique s’explique par mon intime conviction que la Crimée n’avait plus sa place en Ukraine. Le référendum qui s’est tenu, référendum à l’organisation illégale, ne rend pas plus caduc ses résultats. D’ailleurs, on rappellera qu’une enquête américaine indépendante a abouti aux mêmes conclusions, démontrant que les résultats du référendum apparaissaient cohérents avec la réalité des opinions des Criméens.

Je ne mets pas non plus mon veto à un Donbass russe, bien que je ne me sois moins renseigné sur cette situation précise. Il est quand même pertinent de rappeler à quel point la chute de l’URSS a été très mal dirigée, du moins aussi mal que l’a été la réconciliation des deux Allemagnes (mais ça c’est un autre sujet). Toujours est-il que la réalité russophone et russophile de certaines zones en Ukraine ne doit pas être balayée, notamment au regard des lois visant à réduire cette culture russe qui avaient tant provoqué de problèmes il y a dix ans.

 

Cela dit, j’ai beaucoup de choses à dire. D’abord, sur la perte d’humanité et de rationalité qui semble frapper nos chers observateurs médiatiques, et une partie de la population, ensuite sur la question militaire en France qui me semble très mal traitée.

 

I. La guerre en Ukraine peut-elle nous rendre cons ?

 

Depuis le début de la guerre, j’ai cette question qui me trotte dans la tête. Se prononcer sur la guerre en Ukraine dans les médias mainstream priverait-il les commentateurs d’une partie de leur organe cérébral ?

 

A/ Tout d’abord, il y a les adeptes du fantasme. Ceux qui imaginent un Poutine vieillissant, cancéreux et atteint de trente maladies différentes. Ceux-là même qui vont l’avancer comme un danger implacable. Bien sûr, il n’est pas exclu que Poutine tombe malade. Mais ces affirmations n’avaient pour intérêt unique que la poursuite d’un narratif, et pas celle de la vérité. Ce qui est plutôt dommage pour des journalistes.

 

B/ Le degré suivant, c’est celui qui perd tout sens de la réalité. À fréquence régulière, certains viennent annoncer la défaite prochaine de la Russie, la remontée incroyable de l’Ukraine, et la victoire de la démocratie et du monde libre sur les méchants. La vérité, c’est que c’est une guerre qui s’enlise, et qui tient encore grâce aux injections européennes et américaines. On fera remarquer que la Russie ne s’avoue toujours pas vaincue malgré le soutien occidental à la limite de la co-belligérance apporté à leur adversaire. Cela ne l’empêche pas de subir de plein fouet les affres d’un conflit qui s’éternise, certes. Il est d’ailleurs bien naïf de penser que la Russie survolerait cette guerre et qu’elle serait une franche réussite.

 

C/ Toujours dans la négation de la réalité, on atteint parfois le degré juste au-dessus avec la négation non seulement naïve, mais surtout dangereuse. Et c’est là qu’on aborde enfin un sujet important. Il existe un monde où la Russie déciderait d’arrêter la guerre, ruinée par les sanctions et abandonnée de tous. Mais ce monde-là n’existe certainement pas dans notre dimension à nous.

Tout d’abord, les sanctions étaient censées mettre la Russie à genou. Qu’il y ait eu des conséquences négatives sur l’économie russe est logique, mais à quel point ces conséquences ont-elles affecté l’économie russe dans son ensemble ? De même, quand on sait que les occidentaux consomment encore des hydrocarbures russes mais qui ont transité via des pays-tampons (à l’instar de l’Inde), peut-on encore se dire sérieusement que ces sanctions ont un quelconque intérêt ?

S’il ne s’agissait que de mener une guerre économique contre la Russie, à la limite, ces affirmations seraient aussi à reléguer au niveau du simple fantasme. Mais le problème, c’est qu’il y a des conséquences autrement plus négatives pour les pays européens. Les partenariats français avec la Russie en matière d’industrie n’étaient pas négligeables. La perte du marché russe aura fragilisé notre économie. Pendant ce temps-là chez eux, le seul problème qui les guette à terme apparaît être la pénurie de main d’œuvre : leur économie est florissante et le chômage au plus bas.

Il en est de même avec l’Allemagne, qui s’enfonce de plus en plus tête baissée dans le narratif atlantiste. Pour elle, les sanctions sont d’autant plus catastrophiques que leurs dirigeants semblent en auto-pilotage depuis le début. Elle a perdu ses liens commerciaux sur le gaz, notamment via le projet Nordstream. ce n’est pas négligeable. D’ailleurs, à quel niveau de soumission et de transparence faut-il en être réduit pour ne pas avoir osé lever le temps sur le sabotage de Nordstream, sabotage qui ne bénéficiait ni à l’Allemagne, ni à la Russie ? Sur ce sujet, la Suède estime ne pas pouvoir donner l’identité des responsables. Une affirmation très crédible, je laisserai en juger.

Puisque je suis taquin, je tiens à préciser que les livraisons de gaz américains en Europe sont en augmentation conséquente depuis 2022. Un hasard sans doute. Gageons que les prix nous seront aussi bénéficiables que les tarifs du gaz russe jadis.

 

D/ L’échelle au-dessus tend à confondre bêtise et apathie belliqueuse. En effet, il est intégré de longue date qu’une guerre fait de nombreuses victimes. Aussi ai-je toujours trouvé très déplacé le fait d’encourager la guerre en question.

D’un point de vue purement factuel, toutes considérations politiques mises de côté, combien de vies auraient été sauvées si aucun équipement n’avait été envoyé à l’Ukraine, la laissant régler ce conflit avec la Russie dans son coin ?

Dans ce cas de figure, il est peu probable que la guerre eut continué bien longtemps. L’armistice aurait été signé et des milliers de vies épargnées. Il aurait été pertinent alors d’envoyer des observateurs de l’ONU et des casques bleus encadrer le désengagement russe d’une grande partie du territoire ukrainien.

Retour à la réalité. À quoi aboutissent les envois incessants d’armements ? L’armée russe est parfois ralentie. Elle subit de grosses pertes, notamment sur sa marine. L’Ukraine n’est pas encore envahie, très bien. Mais jusqu’à quand ? Certaines prévisions semblent indiquer une offensive russe massive en 2024. Bloquée sur les champs de bataille, la Russie l’est moins dans sa reconstitution logistique. Alors que les réserves européennes se vident et mettront des années à être refaites (ce qui pousse certains à encore plus plaider pour la protection de l’OTAN), la guerre se prolonge et draine vies et économies.

 

E/ Toujours sur ce point, non content d’encourager la guerre actuelle, le personnel médiatique et politique a même la fâcheuse tendance à encourager les guerres futures. Il y a presque une excitation à l’idée que le continent entier pourrait sombrer dans une troisième guerre mondiale. Encore récemment, Olaf Scholz en Allemagne appelait à se préparer à une économie de guerre. Que dire sinon de tous ces pays qui réfléchissent à la question d’une conscription et d’une attaque sur leur territoire ?

Et au milieu de tout ça, certains semblent jubiler à l’idée que tout le continent sombre dans le chaos. Non content d’encourager la co-belligérance aux côtés de l’Ukraine, quitte à prolonger toujours plus l’enlisement du conflit, voilà qu’une invasion russe de toute l’Europe apparaît crédible – cela dans la même dimension où cette armée russe subirait de sévères défaites et montrerait de larges faiblesses. La Russie est désignée comme un ennemi de la France, les Anglais s’imaginent déjà attaqués. Je n’aurai rien à redire si de telles idées étaient développées dans des rapports militaires top secret. Anticiper reste la clé de la souveraineté en matière militaire. Mais ces fantasmes malsains d’une troisième guerre mondiale Russie contre le reste du monde (comprendre ici, l’occident) s’étalent au grand jour, dans un contexte éditorial qui ne fait aucun mystère de son agenda. Ce qui me mène à la dernière étape de connerie atteinte sur ce conflit.

 

F/ Le racisme anti-russe en France, qui n’avait pas particulièrement dérangé les bonnes âmes de ce pays, aurait dû me faire comprendre le niveau d’inhumanité et de cynisme auquel se livraient certains dans les médias. Le conflit Russie-Ukraine semble n’être devenu qu’un match de foot, avec ses supporters dans chaque camp. On espère pas la fin du match, ni même la victoire de l’équipe ukrainienne. On espère du spectacle, du sang. On veut que l’équipe russe morde la poussière, subisse une cruelle défaite. Et si l’équipe ukrainienne rechigne à jouer les prolongations, pas de problème, on les encouragera à se battre au-delà de leurs forces et de ce que leur santé leur permet. Des soldats russes sont tués par un drone ukrainien ? On partage la vidéo, rit de ce cruel destin et se félicite. Un navire russe coulé en mer noire ? Génial, encore du sang, incroyable. Voilà le divertissement actuel offert par ce conflit : des gens qui meurent dans le camp d’en face.

 

Observations

 

À quel moment avions-nous décidé que le monde entier serait une arène et que la vie humaine n’aurait plus de valeur au prétexte qu’elle appartiendrait au camp ennemi ? Bien sûr, l’armée russe a violé, tué et pillé en Ukraine. Les néonazis de Wagner n’ont pas fait mieux, sinon pire. Cela nous donnerait-il le droit, nous, français, de nous réjouir de la mort d’autres êtres humains dans un tel charnier ?

 

D’ailleurs, au nom de quoi devrions-nous prendre nécessairement et sans réserve le parti de l’Ukraine ? Peut-on même aujourd’hui soulever ne serait-ce que cette question ?

Avons-nous voté une guerre contre la Russie au parlement ? Les territoires attaqués sont-ils français ?

Les seuls débordements au-delà des frontières ukrainiennes, on les connaît, c’est le sabotage de Nordstream. Je réitère mes doutes sur l’idée que les Russes y avaient intérêt.

Je n’ai pas envie de prendre un autre camp que celui de la paix. Je ne suis pas ukrainien, aucun devoir moral ne me force à faire comme si les intérêts ukrainiens étaient les miens. Je ne suis pas russe non plus. Aucun devoir moral ne me force à soutenir Poutine dans toutes ses actions (et si j’étais russe, je n’aurais pas plus ce devoir).

 

Quel est notre intérêt en tant que français, sinon que la guerre s’arrête avec toute cette folie ?

Certes, il apparaît plutôt dans l’ordre des choses que l’Ukraine perde ce conflit, cède des territoires à la Russie et s’avoue vaincue. Mais à quel prix pour les Russes ? La guerre a été très dure pour eux aussi, ce n’est pas une victoire éclatante. Pourrait-il vouloir nous envahir une fois le continent stabilisé ? À mon sens, ce serait extrêmement peu probable. Seule la Transnistrie pourrait encore être convoitée par la Russie, mais l’intérêt de déplacer l’armée russe jusqu’à Brest me paraît bien minime en comparaison d’une pacification des relations Russie – Europe.

 

Par conséquent, il est temps que ce conflit cesse d’être autant passionné. Il est temps de retrouver une discussion rationnelle, dans laquelle des désaccords et points de vue contradictoires ont le droit d’émerger. L’unanimité et l’homogénéité n’ont jamais été une exigence s’agissant des sujets politiques. Or, il apparaît que de nos jours, ne serait-ce que remettre en question les dernières livraisons d’armes ferait de nous des agents payés par Poutine.

Cette fausse morale est d’autant plus hypocrite qu’elle se prolonge parallèlement à la persistance d’autres conflits meurtriers à travers le globe. Les guerres en Palestine et au Yémen sont sans doute les deux autres conflits les plus importants de ces dernières années. On notera que sur ces sujets, les commentateurs ont déjà fait preuve de plus de retenues envers l’Arabie saoudite ou le gouvernement de Netanyahu.

--------------------

Aparté au sujet de Navalny Le décès de Navalny est intervenu pendant la rédaction de ce billet. Encore une fois, sans surprise, le traitement de sa mort pendant son enfermement laisse à désirer dans les médias et parmi nos politiques. Chacun ira de sa petite phrase laudative, son hommage passionné. On notera celui de notre ministre des Affaires étrangères qui trouvera pertinent d’adresser ses condoléances au peuple russe, prouvant une fois encore que le ridicule ne tue pas.

Le décès en détention de Navalny est bien entendu fort regrettable. Ses conditions d’emprisonnement étaient à n’en pas douter peu acceptables. De là à le traiter comme un héros et principal opposant à Poutine, dans un pays où le véritable opposant électoralement relève plus du communiste russe ou du nationaliste exacerbé, bon… Et Assange dans tout ça ? On en parle ?

 

II. Et la guerre dans tout ça ?

 

C’est bien gentil de fantasmer sur une potentielle troisième guerre mondiale. Mais la France a-t-elle encore les moyens d’en rêver ou de l’anticiper ?

 

À titre personnel, j’ai du mal à trouver crédible l’idée d’une intrusion russe sur le territoire français. Par les airs, les pays de l’Est se feront une joie de descendre les avions étrangers, par la mer, nul doute que la Finlande saurait apprécier cette opportunité. Tout ça, en occultant l’hypothèse malheureuse d’une riposte nucléaire.

Par souci d’honnêteté intellectuelle, il faut reconnaître une certaine hostilité de la part de la Russie à notre égard. Étonnamment, celle-ci a débuté depuis le conflit ukrainien, les sanctions européennes et la fourniture d’armes à Zeliensky. Sans doute un hasard ?

Pour toutes autres analyses plus détaillées et plus poussées sur le sujet de la Russie et de la guerre, je ne peux que conseiller la parole de Georges Kuzmanovic, objectivement l’un des meilleurs spécialistes en géopolitique russe actuellement. Mon soutien à sa ligne politique est subjectif et assumé, mais en matière de conflit russo-ukrainien, je pense qu’il a su prouver sa pertinence.

 

Quelles capacités actuellement ?

 

Notre soumission au narratif atlantiste témoigne d’une faible confiance en nos capacités militaires. Pas étonnant, y a de quoi s’inquiéter. Nous ne pourrions même pas tenir une semaine de conflit en termes de réserve de munitions. Était-ce pertinent de le révéler, voilà encore une autre question à se poser.

Cela dit, la souveraineté militaire française est devenue une blague. Le fait que l’Union européenne pousse à nouveau pour une Europe de la défense devrait nous alerter : nous n’avons plus la volonté politique suffisante pour appuyer de potentielles aspirations souverainistes en matière militaire. Pire encore, voilà que le partage de nos ogives nucléaires revient aussi sur la table. N’ayons pas peur des mots, un Français qui viendrait à proposer cette folie serait sur la première liste des condamnés pour haute trahison.

Il est cocasse de voir à quel point un tel double discours sournois puisse cohabiter dans la bouche de certains : la France serait trop faible seule et devrait donc chercher des alliances, ce qui impliquerait de facto de devoir encore plus s’affaiblir par les partages d’armées et de technologies militaires. Bien sûr, nous possédons aussi des atouts, et pas uniquement notre capacité nucléaire. Notre armée reste l’une des plus puissantes et formées du monde. Nos canons automoteurs Caesar font la fierté de notre industrie grâce à la guerre en Ukraine, rare point positif à tirer de tout ça. Cependant, pouvoir revendiquer ça pour se prétendre prêt à la guerre, c’est faire preuve d’un sacré optimisme.

 

À mon sens, il convient d’envisager la guerre sous tous ses aspects stratégiques. Je parle ici en tant que citoyen intéressé par la géopolitique, modérément renseigné sur les questions militaires. Pour fonder l’avis à venir, je me repose donc plus sur la logique que sur un panel de connaissances techniques.

Ainsi, il conviendra de prendre en compte :

* l’enjeu humain : combien d’hommes ayant intégré l’armée de métier ?

* l’approvisionnement : combien de munitions et de pièces de rechange avons-nous à portée ?

* l’énergie : sommes-nous souverains en carburant et électricité pour mener notre guerre ?

* l’artillerie : quelle capacité avons-nous pour pilonner les lignes ennemies ?

* la maîtrise aérienne : dans quelle mesure pouvons-nous rester souverains sur notre ciel ?

* la présence maritime : quelle puissance avons-nous une fois en mer ?

* les télécommunications : quel réseau et quelle capacité de déploiement avons-nous ?

* la résilience : comment encaisserions-nous les chocs et comment nous relèverions-nous ?

* la reconstruction : avons-nous planifié l’après-conflit pour rester un pays qui fonctionne ?

* la diplomatie : pouvons-nous éviter les guerres par notre expertise diplomatique ?

 

Dix enjeux, autant de questions sinon plus. Face à ces enjeux, combien d’entre eux pourraient poser problème à la France ? Le bilan à mon sens est désastreux, sans être radicalement négatif pour autant.

Enjeu humain : l’armée a toujours recruté, nul doute qu’une augmentation ne serait pas de refus. Néanmoins, je ne pense pas que ce soit une situation dramatique pour autant. Une chose est sûre, il serait inconscient de ne jurer que par le personnel combattant, oubliant l’importance du personnel administratif dans le fonctionnement d’une armée efficace.

Approvisionnement : catastrophique. Nos réserves de munitions ont fortement diminué, notre industrie n’est pas encore taillée pour un tel enjeu. Cyniquement, nous pouvons supposer comme le fit Jérémy Ferrari et d’autres que s’agissant des pièces de rechange, nous avons tous les tanks immobilisés qui sont déjà présents.

Energie : notre production d’électricité fut un modèle jadis. Concernant le carburant, la France compte des groupes pétroliers et des réserves. Sans info supplémentaire, je ne peux pas me prononcer, mais je pense que ce n’est pas là qu’il y a un problème majeur.

Artillerie : la guerre en Ukraine aura montré qu’elle a toujours sa place dans les conflits modernes. Le parc actuel est plutôt misérable pour un pays de notre taille. Nous gagnerions à relancer une forte production de chars et de blindés adaptés aux territoires français. Nos canons Caesar restent une valeur sûre sur laquelle nous devons aussi compter.

La maîtrise aérienne : voilà un point où la France est à mon avis prête. Peut-être faut-il espérer une plus grande flotte de drones, mais s’agissant de l’armée de l’air, notre puissance est toujours là. Il existe cependant un bémol de taille, qui anticipera le point suivant : nous n’avons pas assez de portes-avions. Cela limite notre capacité de déploiement. Pays réputé pour ses hélicoptères, je pense de même qu’une meilleure capacité de déploiement apportée à l’aviation légère de l’armée de terre ne serait pas de trop.

La présence maritime : sur le papier, la marine française n’est pas dans un état catastrophique. Ce n’est pas un enjeu sur lequel nous avons un retard considérable. Pour autant, nous sommes la deuxième puissance maritime en termes de taille, grâce à nos territoires ultra-marins. De ce fait, nous pouvons largement mieux faire et développer une véritable économie autour de la marine de guerre. Stratégiquement, cela permettrait aussi de revaloriser les territoires d’outre-mer.

Les télécommunications : la France est une des meilleures armées du monde notamment sur ce domaine. Au-delà de la question d’une meilleure capacité de déploiement, nous sommes dans la cour des grands. Un conflit sur notre territoire ne pourrait pas nous être désavantageux sur ce terrain-là.

La résilience : vu la capacité de nos dirigeants à penser au long terme et à reposer sur l’OTAN et l’UE, notre capacité de résilience est à mon avis bien nulle au niveau macro. Cela dit, au niveau des populations, mon avis sera plus mitigé. Prévoir les comportements en cas d’évacuations est difficile, anticiper la mobilisation générale relève de la pure imagination. Je profite de cette question pour rappeler que mobiliser la population n’a aujourd’hui que peu d’intérêt stratégique s’il s’agit de l’envoyer au casse-pipe. Il est bien plus pertinent de l’employer pour faire tourner le pays et la logistique derrière les lignes de front. L’armée professionnelle constitue un bras armé efficace dont l’action conjointe avec une armée de conscrits serait potentiellement une source de ralentissement et de moindre efficacité. Je tiens beaucoup à cette question parce qu’elle semble totalement occultée. Beaucoup ne raisonnent que par le « mourir pour la France », un peu réducteur, naïf et source de fantasme.

La reconstruction : gouverner, c’est prévoir. Réussir à mettre en place des mesures suffisamment efficaces pour se relever d’un conflit doit donc aussi faire partie des objectifs. Sur cet aspect-là, difficile de se prononcer, mais les lacunes dans tous les secteurs de l’économie font que la France risquerait bien d’obtenir une situation moins avantageuse qu’après la seconde guerre mondiale. Travailler sur sa souveraineté passe aussi par trouver les moyens de la conserver lorsqu’on est à terre.

La diplomatie : il est impératif de savoir anticiper une situation de conflit. Mais la véritable priorité réside dans la construction d’une paix durable en Europe et dans le monde. La France n’en est plus capable depuis longtemps. Notre corps diplomatique a été détruit, une grande partie de la classe politicienne s’est désintéressée de la géopolitique, et notre soumission à l’OTAN nous empêche de nous émanciper du narratif atlantiste. La France peine à encore être une puissance qui compte, si bien que notre siège permanent au Conseil des Nations Unis ou notre arsenal nucléaire commence à faire des envieux, y compris chez des gens de chez nous.

Certains partis se sont fait une spécialité de plomber la capacité de la France à s’élever en alternative à la bipolarisation du monde. Faut-il rappeler les manœuvres des socialistes comme Hollande pendant la guerre en Irak, venus s’excuser auprès des Américains pour notre absence de bellicisme ? Faut-il dès lors s’étonner devant les propos d’un Glucksman, digne hériter ?

 

Telle est donc notre situation aujourd’hui : incapable d’être un exemple d’indépendance diplomatique, on en vient à appeler à demi-mot à se préparer à la guerre, sans avoir les moyens de cette triste ambition. L’armée française est une excellente armée, mais certains chiffres montrent bien que sur la durée, les difficultés rencontrées pourraient être insurmontables.

 

Les européistes appellent à la formation d’une armée européenne. Il en est bien sûr hors de question. Ce genre de question, que l’on avait sorti par la porte du temps de De Gaulle, entend revenir par la fenêtre que nos eurobéats français auront laissé ouverte. Mais ne nous y trompons pas : une armée européenne ne pourrait qu’être soumise à l’OTAN, l’Union européenne étant bien trop parasitée par l’atlantisme. Jamais l’UE n’essayera d’être une troisième voie alternative aux USA et à la Russie, il n’y a pas d’illusion à avoir là-dessus. La pertinence d’une armée unique reposant sur 27 états et autant d’intérêts politiques divergents est par ailleurs à remettre en cause. Ses conséquences aussi sont à anticiper : partage évident des capacités nucléaires, dissolution progressive des états dans un futur ogre européen, et naissance d’une chimère qui n’aura rien résolu.

 

Il est de bon ton de parler de monde libre et de démocratie. Parmi ceux qui en sont adeptes, beaucoup plaident pour une France de moins en moins indépendante diplomatiquement, qui concourent à la rendre faible militairement, et qui entendent faire rentrer le narratif atlantiste sans tolérer de discussions ou remises en question. Ces gens-là ignorent de quoi ils parlent. Leur monde libre est fantasmé, leur démocratie une illusion.

 

Oui, il faudra se battre. Mais pas contre les Russes, pas plus contre les Américains. Il faudra se battre POUR la France, pour son indépendance, pour la paix, et une fois que tout le monde aura compris, pour un avenir fait de coopérations équitable entre nations et de respects mutuels

Complotistes absolus et gauche anti-complotisme, les idiots utiles de l’oligarchie

 

Il y a environ un an, je publiais un de mes premiers articles, traitant des erreurs comportementales vis-à-vis du complotisme, que ce soit ceux qui en voient partout ou ceux qui en voient nulle part.

Aujourd’hui, ma position reste inchangée, mais j’ai plus de vécu pour en parler, aussi je me permets de mettre à jour cet article, renommé à l’occasion.

 

Le trio gagnant du complotisme, trois boucs émissaires

 

Histoire d’être bien au point sur le terme, ce que moi j’appelle complotiste est une définition bien précise. Ce n’est pas seulement quelqu’un qui voit des complots ci et là, à la limite, il fait et pense ce qu’il veut ; non, un complotiste pour moi rajoute une dimension arrogante à ses propos, en se positionnant comme détenteur de l’unique vérité et considérant les autres comme des moutons. Or, s’il est possible qu’il ait raison sur certains sujets (j’y reviendrai), force est de constater que cette méthode est contre-productive, et qu’il convient de qualifier les autres de naïfs qu’une fois leur entêtement avéré. (Sur des sujets qui valent le coup d’être débattus).

 

J’ai personnellement identifié trois figures associées de manière récurrente aux potentiels complots. Tout d’abord, Les francs-maçons.

Je ne cache pas ma passion pour l’ésotérisme. Parler de francs-maçons m’a toujours tenu à cœur. Pour rappel, il s’agit d’une organisation secrète (dans le sens où ses actes ne sont pas publics) œuvrant pour le développement et le progrès de l’humanité. S’il s’agit réellement de ces objectifs de vie, le danger n’est pas de ce côté. Pourtant, nombreux ont été les gens à se lancer dans une chasse aux sorcières, tels les nazis et les vichystes pendant la seconde guerre mondiale, pour en finir avec le grand complot des loges. Associés à tort à un laïcisme acharné, à la limite de l’anticléricalisme, ils sont pointés du doigt dès qu’il s’agit de parler politique, et cela me désole. L’exemple le plus frappant reste Jean-Luc Mélenchon. Difficile d’ignorer le soutien que je lui apporte, un soutien cependant modéré et qui ne doit pas vous empêcher de vous renseigner par vous-même. Bref, beaucoup de ses détracteurs trouvent comme défaut à JLM son appartenance à une loge maçonnique. Cela est purement risible pour deux raisons ; il n’a jamais été très impliqué dans la Franc-maçonnerie, et son appartenance ne conditionne que faiblement son programme politique.

En effet, nombreux sont les hommes politiques à être franc-maçon, comme une bonne moitié du gouvernement Valls (lui le premier, et bien plus assidu que monsieur Mélenchon) ou encore Gilbert Collard. On constate ainsi une diversité d’opinions politiques, qui pourtant convergeraient toutes vers les loges maçonniques d’Orient et d’Occident ? Cela nous amène à deux conclusions : ou la défense d’idéologies différentes n’est qu’une façade, ou l’influence de la franc-maçonnerie est à relativiser. De mon point de vue, c’est clairement du côté de la seconde option que je me pencherai. En effet, je vois la franc-maçonnerie comme un simple club de lecture : trois hommes, qu’on nommera George, Benjamin et Wolfgang, sont des amateurs de lecture. Par des contacts, ils sont amenés à rejoindre un club de lecture. Pourtant, George préfère la lecture politique alors que Benjamin est plus porté sur les sciences, et Wolfgang la musique. Un jour, une bibliothèque prestigieuse propose trois places pour s’inscrire. Le club suggèrera alors George, Benjamin et Wolfgang. En dehors de l’apparent pistonnage, qui se pratique en effet par la franc-maçonnerie dans une moindre mesure, ce que démontre cet exemple reste surtout qu’un intérêt commun entre plusieurs personnes ne peut pas pour autant témoigner d’une convergence d’opinions. La place qu’occupe la franc-maçonnerie, essentiellement la loge du Grand Orient de France, dans la vie politique française, se cantonne selon moi à du pistonnage comme on en voit partout, et à une logique simple à comprendre : puisque les objectifs premiers de la franc-maçonnerie relèvent du futur de l’humanité, il est normal que leurs membres soient amenés à faire de la politique (et inversement). Après, si l’on se base sur les agissements de francs-maçons comme Manuel Valls, on peut constater que certains ont largement dévoyé les objectifs qui devaient être les leurs.

 

Les seconds choux gras des complotistes sont sans doute les sionistes. Par ce terme à l’utilisation volontairement floue sont désignés les partisans de la création d’un état d’Israël, et plus particulièrement du lobby sioniste, qui manipulerait les états pour que leur Terre promise leur soit enfin acquise.

La question israélienne est délicate. Ici aussi, plusieurs avis sur la question sont courants, et pour ma part, si les israéliens ont droit à un état, les palestiniens aussi, et de manière beaucoup plus légitime. Depuis la restructuration du Moyen-Orient par les britanniques et les occidentaux en général, c’est un bazar complet que cette zone du monde, et l’Etat d’Israël, parasité par des extrémistes religieux ou politiques (le Likoud et cette calamité diplomatique qu’est Benjamin Netanyahou) se met souvent tout le monde à dos (et lorsqu’il s’agit d’une énième expansion en Jordanie, la critique est amplement justifiée). Il existe donc un lobby, essentiellement aux Etats-Unis, qui défend coûte que coûte l’expansionnisme (certains petits malins remarqueront la proximité des termes) d’Israël. Une théorie courante veut que depuis bien longtemps, ces sionistes tireraient les ficelles du monde. Les théories abjectes du négationnisme, auxquelles je n’accorderai pas une seule once de respect, ne doivent pas effacer la surenchère dans les commémorations de l’holocauste, qui instaure un déséquilibre dans le souvenir. Cette échelle informelle du génocide, où l’holocauste est premier, aurait poussé les états à céder aux exigences d’Israël. S’il est vrai que la shoah a accélérée le processus de création d’un état d’Israël,  celle-ci n’est pas pour autant un canular monté de toute pièce. Mais ajoutez à cela l’omniprésence des juifs dans les milieux financiers (pour raison historique et religieuse), et vous obtenez la théorie classique du sioniste et de ses marionnettes politiciennes.

Pire encore, cette obnubilation pour les sionistes, qui ne valent pas mieux que n’importe quel lobby, conduira à une assimilation de l’antisionisme à l’antijudaïsme, tous les juifs étant vus comme des sionistes convaincus. Ce dangereux parallèle étant propagé par des pro-palestiniens souvent fan de l’intouchable Dieudonné, on peut imaginer la popularité de ces thèses au sein des milieux populaires, ce qui, on ne va pas se mentir, contribue à l’image négative de ces banlieues.

 

Enfin, il existe aussi un troisième sujet récurrent parmi les thèses complotistes, qui prête souvent à rire, alors qu’il devrait plus faire réfléchir. Je parle ici (et c’est une nouveauté par rapport au billet de l’année dernière) des aliens.

Que ce soit en délires nés sur le web ou avec des thèses issues de l’imagination populaire, les complots à base d’extraterrestres ne manquent pas, mais demeurent souvent les plus improbables, comme les classiques reptiliens par exemple. Mais ici, ce troisième chou gras montre l’une des limites de la lutte contre le complotisme. Puisque les personnes citant les aliens à toutes les sauces étant décrédibilisées (parfois à raison), tout sujet traitant des aliens est donc immédiatement classé comme risible. La question intéressante de la vie extra-terrestre, qui en ne se résumant pas à des humanoïdes verdâtres, prouve que la présence d’aliens décrits comme des humains est peu probable, puisque la vie extra-terrestre est plus logiquement microbienne. La théorie des anciens astronautes est tout à fait passionnante, à tel point que même moi, pourtant affilié à la chrétienté, je ne puis m’empêcher de l’imaginer comme potentielle vérité. Enfin, l’exploration spatiale a aussi son lot de discrédit, rapidement passée dans le domaine de la science-fiction futile dès qu’il s’agit d’aborder la terraformation de Mars par exemple. En cela, Jacques Cheminade (encore lui) est prisé par les antis complotistes, qui voient en lui la quintessence de ce contre quoi ils luttent, alors que seule une petite partie de ses positions relève plus du complotiste que du pragmatisme géopolitique. Bref, voir des aliens partout porte surtout préjudice aux uniques cas où il serait effectivement question d’extraterrestres.

Ces discrédits observés sur des sujets divers et variés me conduisent donc  à aborder le cas délicat de la lutte contre le complotisme.

 

La lutte contre le complotisme, ou le triomphe du manichéisme

 

Après un an d’activisme sur les réseaux sociaux, à répandre mes idées en toute impunité, j’ai fini par me rendre compte qu’une frange de la gauche, qu’on va appeler la gauche naïve, combat ardemment le complotisme, quitte à confirmer les versions officielles provenant d’une oligarchie contre laquelle ils veulent pourtant lutter. En effet, si ceux qui voient des complots partout handicapent le débat, par leur position souvent violente avec ceux qui ne pensent pas comme eux, l’extrême inverse fait de même, et c’est même plus dérangeant encore. Visiblement, les propos nuancés sur la géopolitique restent une science inaccessible au plus grand nombre.

 

Faisant écho à mon article précédent sur la Russie, ces sites majoritairement sont situés entre la gauche et l’extrême gauche, et parmi leurs fixettes quotidiennes, on trouve les quelques sites « de mauvaise réputation »  comme Boulevard Voltaire, RT, et j’en passe. Evidemment, ces sites sont à visiter avec une extrême précaution, surtout que la réputation de Thierry Meyssan n’est pas totalement usurpée. Pourtant, peut-on considérer que les sites « officiels » disent toujours la vérité ? Quand dans une émission grand public, sur la tranche horaire de 20H, un économiste réputé (mais surtout à la solde du système) raconte des mensonges pour discréditer un candidat, on peut se poser la question de la légitimité de ces média pour raconter la vérité. (C’était dans des paroles et des actes l’année dernière).

C’est pourquoi il importe selon moi de savoir faire un choix, et ne pas considérer les sites blacklistés comme des pestiférés. Un article sur le trafic de pétrole entre Daesh et la Turquie, peut-on espérer le trouver sur les média officiels ? Un point de vue russe sur le conflit syrien peut-il être relayé par les grands média ? Le système actuel fait en sorte qu’il n’y ait qu’un seul point de vue, et bien que ces sites sombrent parfois dans la catégorie des complotistes, ils sont nécessaires tant que les média ne seront pas aussi libres qu’ils prétendent l’être.

 

Cette pseudo-lutte pour la vérité devient plus dérangeante lorsqu’un véritable manichéisme s’installe. S’appuyant sur des propos complotistes, ils empêchent toutes réflexions sur le sujet. Le 11 Septembre illustre assez bien cela. Si l’effondrement des tours et les avions sont réels, peut-on pour autant nier le rôle prépondérant de la Cia et de l’Arabie Saoudite ?

Il convient donc de relativiser, essentiellement lorsqu’il s’agit de questions internationales.

Ainsi, si Daesh n’a pas été créé de toute pièce par les américains, l’invasion de l’Irak par ces derniers et un soutien indirect à toutes rébellions islamistes dans la région pourrait tout à fait passer pour la cause principale de la naissance de ce groupe, ce que je pense d’ailleurs. N’oublions pas que la radicalisation d’Al-Baghdadi s’est passée dans les camps irakiens.

De même, le sujet syrien divise profondément la gauche avec cette question de complot, puisque soutenir un pragmatisme en politique internationale revient souvent pour les autres à soutenir le régime ; et évoquer des faits que les média occidentaux occultent reviendrait donc à relayer des fausses informations. Je l’ai déjà plusieurs fois évoqué, mais cette vision en noir et blanc, un défaut que partagent pourtant les vrais complotistes, est plus que dangereuse pour la compréhension des rapports géopolitiques.

Discréditer Jacques Cheminade (toujours lui) au prétexte qu’il ait pu tenir des propos complotistes est aussi un comportement courant ; et le fait que des petits candidats soient toujours assimilés au bouffon du village a sans doute un rapport direct avec ça. Cheminade donc, a tenu un moment des propos sur des banques condamnées pour blanchiment d’argent de la drogue, banques en lien avec la famille royale. Aussitôt dit, aussitôt fait, voilà qu’il est accusé de tenir la reine d’Angleterre pour responsable de trafics de drogue…Le cantonnant dans ce rôle de dissident jovial et à côté de la plaque, tout le volet social et financier de son programme, pourtant satisfaisant pour la gauche, est jeté à la trappe.

Enfin plus récemment, la nomination du neveu de John F. Kennedy à la tête d’une commission sur les vaccins aux USA a rappelé que Robert Kennedy était avant tout un opposant virulent aux vaccins tels qu’ils sont vendus actuellement. Ce qui pour la gauche anti-complotiste devient rapidement « Robert Kennedy, conspirationniste bien connu pour son opposition aux vaccins ». (Ou du moins, ça s’en rapproche). Mais en quoi est-ce un mal de se méfier de l’industrie pharmaceutique, qui avec son lobby peut tout prouver au niveau scientifique en sa faveur ? La lutte contre les complotistes vire visiblement à un maccarthysme insupportable, teinté de naïveté.

 

La victoire de l’oligarchie

 

Je parle beaucoup, et je ne suis pas le seul, d’une oligarchie comme source principale de nos maux. Certains y verront un bouc émissaire, mais c’est pourtant un constat facile à faire.

Chaque année, des évènements comme le forum de Davos rassemblent les principaux acteurs politiques et économiques de ce monde. Chaque année aussi, la commission européenne détermine quelle sera notre politique économique. Enfin, à travers des opinions voulues comme incontestables, objectives, et communes, on assiste à une uniformisation de la pensée. Je ne souhaite pas m’étaler là-dessus, je pense que le dernier livre de Natasha Polony le fait beaucoup mieux et en plus détaillé.

Une oligarchie presque mondiale, guidée par un néolibéralisme presque divinisé, semble donc tenir les rênes. Nos gouvernements y ont prêté allégeance, sans doute parce que tout est fait pour que seule une caste politique remporte la bataille du pouvoir (cf billet sur la démocratie)

Ces propos que je tiens sont qualifiés, si on suit la logique, de complotistes. Le gouvernement lui-même avait créé un outil informatique capable de juger si un potentiel complot était crédible ou pas. Mais pour autant, sont-ils faux ? Une même politique économique qui profite à une minorité, une population abrutie par un appauvrissement culturel et par son infantilisation, tout cela ne témoigne-t-il pas de la mise en œuvre de moyens importants pour façonner le monde à l’image du néolibéralisme ? Pour arriver à ces fins, tous les moyens sont bons. On manipule l’opinion avec des journalistes méprisant leur déontologie, on fait des coups d’états sans songer aux conséquences derrière, et on va jusqu’à traiter avec des fanatiques religieux (à l’extrémisme exacerbé au préalable) pour maintenir sa domination. Ce système existe, je n’invente rien, et son but n’a rien d’extraordinaire, il se résume uniquement à l’assouvissement des pulsions cupides et mégalomanes de certains.

Bien sûr, ces propos sont impossibles à prouver. Quelle personnalité politique irait confirmer cela ? Mais absence de preuve n’équivaut pas à preuve d’absence.

En cela, les deux positions extrêmes vis-à-vis de ces appréciations dissidentes de la réalité sont tenues par des idiots utiles du système. Les uns jettent le discrédit sur tout en propageant des inepties teintées de morceaux de réalité, et les autres restent dans leur vision manichéenne, où, bien que cette oligarchie existe, le meilleur moyen de lutter contre elle demeure la lutte contre l’extrême-droite, le complotisme, et Vladimir Poutine. Beau programme. Pendant que certains accusent Obama d’être un reptilien et d’autres pointent du doigt des divergences des versions officielles, l’oligarchie se réjouit, car personne n’ira la remettre en cause. C’est d’ailleurs à ça que sert l’outil du gouvernement (on te manipule), qui par son titre prémonitoire et réaliste, laisse entendre que les complots existent, mais qu’il est peu probable que l’on en trouve.

 

Défendre le pragmatisme géopolitique, la lutte contre l’oligarchie néolibérale et contre l’uniformisation du monde devrait être un combat partagé par tous ; au lieu de cela, on s’arrête à l’opprobre jetée sur tel site ou sur la première théorie vaseuse qui passe. Lorsque les gens voient le monde en blanc et noir, moi je le vois gris. C’est ça, être lucide.

Russia...

 

Décidemment, la guerre froide semble ne jamais vouloir se finir. Alors qu’il est plus qu’urgent de pacifier les relations internationales entre tous les pays, voilà que nos alliés américains cherchent encore et toujours un moyen de guerroyer officieusement avec la Russie de Vladimir Poutine.

 

Histoire de mettre les choses au point, oui, Poutine fait parfois preuve d’autoritarisme pour gérer son pays. La part conservatrice de la société russe détint parfois sur lui, et il fait tout pour se maintenir au pouvoir depuis les années 2000.

Mais, de quel droit pouvons-nous juger la gouvernance de Poutine ? Sommes-nous si parfaits pour pouvoir décider s’il a le droit de gouverner ou pas ?

Difficile de dire quand tout a commencé. Il est néanmoins plus dur encore de voir quand ces ineptes conflits vont se finir. Pour accélérer les choses, je souhaitais donc faire une mise au point, sur ces histoires aussi mal traitées par la droite et la gauche.

 

 D’abord, j’ai constaté qu’il était d’usage de considérer toutes sources médiatiques russes comme indignes de confiance. Elles ne seraient là que pour conforter la Russie dans ses positions. Ainsi, parmi les sources traitant de la guerre en Syrie, on voit clairement que seules les sources validées par l’OTAN et associés sont considérées comme fiables, quitte à occulter une part de la vérité. (Cf. dossier sur la Syrie)

Du côté d’une frange de la gauche, ces sources russes posent problèmes car constamment récupérées par des média dit « complotistes », et référencées par le Front National.

Du côté de la droite, on reste en général prudent avec ces sources, puisque de toute manière, la plupart des partis ont une position assez conventionnelle.

Pourtant, si les média traditionnels, surtout aux USA, mentent par omission ou en diffusant des jugements faussés, les média russes tels que Sputniknews ou Russia Today font beaucoup plus dans les louanges patriotes et la divulgation d’informations où seuls les points favorables à la Russie sont présents. Nombreux sont les rapports militaires et photos satellitaires par ex, à être relayés par l’intermédiaire de ces média. Peut-on imaginer que ceux-ci soient faux ? Pour quel intérêt ? Et surtout, pourquoi seuls les russes mentiraient dans leurs média ?

En vérité, il convient de juger de la probabilité de ces informations et d’en identifier les sources (civils, militaires, …) avant de les rejeter en bloc. La propagande a toujours concerné tous les camps mobilisés par la guerre.

 

Evoquer la Russie sans mentionner une seule fois le conflit ukrainien serait une erreur que je ne vais pas faire.

Je m’étais exprimé à ce sujet l’année dernière, mais un rappel est nécessaire. Ce conflit n’est pas uniquement une guerre de territoire entre la Russie (prétendument impérialiste) et l’Ukraine, bien au contraire.

Nous pouvons remonter jusqu’à la guerre froide pour comprendre les bases actuelles ; ainsi, il faut mentionner le don de la Crimée à l’Ukraine, sans que le parlement soviétique n’ait eu à approuver (et je doute qu’il l’aurait fait). Un état, certes grand, mais un état souverain, se retrouve ainsi dépossédé d’un territoire, et pas des moindres d’un point de vue économique.

Après ce don, la Crimée reste un territoire assez autonome par rapport aux autres régions ukrainiennes. La langue la plus parlée reste le russe, et la population est majoritairement russophile (et donc russophone).

Récemment, avant le conflit, les ukrainiens envisager la fin de l’enseignement du russe en Crimée, et songeait à un éloignement important de leur ancien allié russe, pour se tourner vers l’UE et l’OTAN. Cela fit suite au coup d’état qui expulsa le président ukrainien proche du Kremlin. Une révolution « populaire » certes, un président pas spécialement bon, certes, mais néanmoins un acte illégal, pour une révolution qui fut largement aidée par l’oligarchie mondiale (USA, …) qui y voyait là un atout pour affaiblir la Russie de Poutine.

Au cours du conflit, la Crimée fut donc rattachée à la Russie, suite à un référendum qu’il est possible de contester, mais dont les résultats (plus de 80%) sont plus que probables quand on sait que l’abstention était élevée du côté opposé au rattachement et quand on connait la russophilie de la Crimée. La rébellion s’organisait des deux côtés, et je dois avouer avoir toujours eu un ressentiment envers les rebelles pro-russes, surtout lors des crashs d’avions ukrainiens. Du côté ukrainien, la principale information à retenir est la présence massive de néonazis au sein des combattants pro-ukrainiens. Des milices comme Pravi Sektor feront parfois parler d’elles, mais étrangement, les principaux média européens éviteront d’aborder le sujet, notamment lorsque l’une de leurs pilotes fut capturée par les russes au grand dam de la communauté internationale. Il s’agissait donc d’une guerre aux torts partagés par les deux camps, la province du Donbass n’était pas une candidate légitime au rattachement à la Russie contrairement à la Crimée.

De ce conflit, la Russie sort affaiblie, et coupée d’une majorité de partenaires suite aux manigances de l’OTAN. La France pâtira sévèrement de cet embargo puisqu’elle dut annuler la vente d’un porte-avion (un milliard d’euro quand même) au mépris de toutes règles commerciales.

 

Actuellement, le fait qui me pousse à écrire sur la Russie reste naturellement les soupçons d’ingérence dans les élections américaines. Avant de revenir dessus, je pense que le moment est venu de fermer la parenthèse de ces élections désastreuses (que j’avais ouverte en Novembre). De mon point de vue, l’arrivée de Donald Trump n’a en rien aggravé la situation, contrairement à la potentielle élection de Mme Clinton. Ses sorties depuis les résultats sont parfois lucides, d’autres sont à l’image du personnage outrancier et sans scrupule qu’il demeure. Mais du côté des prises de paroles, celles de la direction du parti démocrate sont exécrables. Donald Trump admettait qu’il refuserait de reconnaitre les résultats des élections s’ils s’avéraient en sa défaveur. Aussitôt, des milliers de voix s’étaient élevées contre cette sortie visiblement antidémocratique. Pourtant, depuis les élections, ce sont bien les démocrates qui contestent les résultats, et tentent par tous les moyens de contourner la terrible vérité qui leur était assenée avec la victoire de Trump.  (Parenthèse refermée)

Nous sommes en Janvier, et les démocrates, via les organes exécutifs et les organes de renseignements, font tout pour retrouver leur aura. Visiblement, une énième accusation à l’encontre de la Russie semblait leur remonter le moral.

Ingérence. Un mot bien trop vague pour la réalité des choses. Les russes seraient donc impliquer dans le piratage informatique qui visait les démocrates, révélant les cadavres du placard oligarchique. Wikileaks, désormais considéré aussi fiable qu’un site d’informations russe par la pensée dominante, avait coopéré avec « l’ennemi » de l’Est, montrant que la défaite de Bernie Sanders n’était le fait que des magouilles démocrates (le parti n’aura jamais porté aussi mal son nom). Et ce sont ces actions qui s’apparenteraient à de l’ingérence ? S’ils avaient été honnêtes, ils auraient remercié les russes et Wikileaks pour service rendu à la nation ; pensez-vous, des preuves qu’un parti américain est impliqué dans une affaire de trucage, ça pourrait avoir une importance capitale, et remettre peut-être les services de renseignements us à leur place. Non, il s’agissait d’ingérences dont toute la campagne présidentielle aurait pâti. Certes, les renseignements divulgués ont prouvé que l’oligarchie était corrompue et manipulatrice, et cela a dû en décourager plus d’un d’aller voter Clinton. Mais au même titre que les casseroles trainées par les élus français, les casseroles américaines ont beau être révélées à un moment opportun, elles n’en demeurent pas moins réelles et problématiques. Bref, parler d’ingérence est risible, et je n’aborde pas là les nombreuses ingérences américaines, qui vont du soutien aux talibans à leur présence au gouvernement ukrainien.

 

Le principal problème de la Russie pour le reste du monde se résume évidemment à Vladimir Poutine. Tout le monde se permet des remarques quant à sa gestion de la Russie, témoignant d’un culot flagrant.

Il est évident qu’un dirigeant tel que Poutine ne pourrait décemment gouverner la France, surtout en raison d’un autoritarisme qui transparait parfois.

Lorsque j’étais plus jeune, encore au lycée, j’avais une pensée très manichéenne, et je condamnais sans cesse les dérives du Kremlin. Depuis, j’ai appris à relativiser. Le rôle des opposants politiques en Russie se limite effectivement à de la figuration. Mais Poutine est-il vraiment coupable de quoique ce soit dans ce cas de figure ? Ne faut-il pas envisager que l’opposition n’a rien de séduisant face à un parti qui défend mieux la souveraineté russe que quiconque ? (Il semblerait que le second parti du pays serait peu envisageable par ailleurs)

Le rôle de la Russie est l’un des plus importants dans le monde d’aujourd’hui, car il offre un contre-pouvoir au soft power américain, étant donné l’absence de volonté propre des autres pays de se démarquer de la pensée étasunienne, Chine mise à part. Sur le sol européen, personne n’est là pour défendre un projet ambitieux pour nos peuples, et les seules décisions qui n’émanent pas de la commission européenne (autant dire l’oligarchie) sont des décisions en provenance de nos « alliés » de l’Ouest. Il est donc nécessaire d’avoir un contre-pouvoir au niveau du continent européen, et vu notre transparence actuelle, seule la Russie peut maintenir ce pouvoir. Aussi, l’émergence puis l’élection d’un parti aussi américanophile que chez nous du côté russe serait une catastrophe en attendant une France plus forte et souveraine. La ligne défendue par Russie Unie en politique extérieure (à distinguer d’une politique intérieure conservatrice, correspondant aux attentes d’une part de la société russe, mais pas du tout aux miennes) est donc essentielle pour les relations internationales.

Certes, les moyens qu’il emploie pour s’assurer le pouvoir sont discutables. Nul doute qu’il pourrait se maintenir dans une élection, et ce, depuis son admirable reprise en main du pays après la catastrophe qu’était Boris Eltsine.  Il jouit d’une popularité remarquable en Russie, et pas uniquement à cause de potentielles pressions étatiques envers l’opposition. Alors oui, le régime est, sous quelques aspects, autoritaire. De là à le qualifier de dictature, il y a un pas que je ne franchirai pas. D’ailleurs, notre bonne oligarchie française permet-elle l’ascension d’une réelle opposition, contrairement à l’oligarchie russe ? J’en doute beaucoup. Nos autres alliés, pétromonarchies, USA, …sont-ils plus irréprochables  que la Russie de Poutine ? J’en doute aussi.

 

Ces nombreuses observations sur la Russie se veulent objectives, et j’espère que mon ressentiment à l’égard des politiques américaines  ne transparaitra pas trop.

Avec les conflits ukrainiens et syriens, les soupçons d’ingérence, tout cela semble confirmer mes précédentes réflexions sur une volonté affichée de prolonger la guerre froide, et surtout de créer un ennemi commun aux nations « démocrates » avec la Russie, afin de détourner l’attention des vrais problèmes (comme la persistance de cette oligarchie par exemple). On monte les gens contre les autres avec des conflits d’intérêts qui ne concernent que peu de personnes, mais tout le monde au final risque de trinquer.

 

Sur ce, passez une bonne année 2017.