L’échiquier politique en 2017

 

               L’année dernière, j’avais développé une réflexion sur l’échiquier politique, alors en recomposition. Maintenant que la deuxième phase de recomposition est en route (après le doute, le déclin), il est temps de faire une mise à jour.

J’avais à la base organisé cet échiquier sous forme de croix directionnelle, avec gauche, droite, avant et arrière ; ces deux dernières notions étant purement subjectives et déterminaient alors quels partis pourraient tirer la France vers le haut. Mais cela est bien trop complexe, et perd de son intérêt assez rapidement. Je reviendrai donc sur un échiquier traditionnel basé sur les deux concepts majoritaires en politique : l’économie et le sociétal.              

 

L’intérêt de cette réflexion n’est pas tant de situer tous les partis, ce qui pour les plus médiatisés est plutôt aisé, mais de localiser droite et gauche sur ce référentiel, et de développer ma vision de l’échiquier.

 

La persistance d’un clivage

Contrairement à ce qu’avancent certains en politique, le clivage gauche-droite existe encore, et se doit d’exister, du fait de sa dépendance aux clivages souverainisme/libéralisme économique et conservatisme/libéralisme sociétal. La négation de ces réalités traduit souvent une volonté de faire revivre le TINA de Mme Thatcher. Cette théorie, que j’appellerai survol des clivages, maintient que le clivage gauche-droite serait dépassé, la gauche ayant fini par rejoindre la droite sur le plan économique. Ceci est très dangereux de tous les points de vue, et démontre une erreur de compréhension des réalités politiques. En effet, depuis les années 80, en se tournant vers le centre-droit, le parti socialiste trahit ses idéaux, et installe une confusion pour les analystes de tout bord. Mais ce n’est pas parce que la gangrène néolibérale a gagné le parti socialiste que cette maladie économique fait l’unanimité et dissipe les clivages de cette nature. Affirmer le TINA, c’est nier les aspirations à un monde meilleur que l’on retrouvera chez beaucoup d’électeurs.

Néanmoins, on pourra effectivement survoler le clivage gauche-droite en proposant des projets non sectaires. Des partis de gauche ou de droite peuvent tout à fait mobiliser plusieurs électorats pour reconstituer l’unité du pays. Cela peut se faire sur des sujets de société tout comme sur des politiques économiques. D’où l’importance des deux clivages initiaux.

 

Souveraineté, libéralisme, conservatisme

Une autre erreur lorsque l’on parle de l’échiquier politique, c’est d’opposer progressistes et conservateurs sur tous les sujets, même politique. L’idée de progrès dans le domaine sociétal est à nuancer (la marchandisation du corps humain, progrès ?) mais traduit généralement la réalité des choses. Cependant, lorsqu’il s’agit de définir une ligne économique, peut-on vraiment affirmer que le souverainisme est un conservatisme et la mondialisation à outrance un progrès ?

Les vrais termes à utiliser sont donc les suivants : en économie, on trouvera les souverainistes (au sens large) et les libéraux, ces deux termes englobant des variations (néolibéralisme) et des paradoxes (altermondialisme) qui permettent de définir les bords politiques. A ce clivage économique se rajoute donc une division sociétale : le conservatisme (plus ou moins prononcé) et le libéralisme sociétal (plus ou moins prononcé ici aussi).

Les relations entre les différents courants s’organisent donc sur la base de ces clivages. En effet, quelle différence y a-t-il entre un programme « Les Républicains » et celui d’Emmanuel Macron, si ce n’est une plus grande ouverture sociétale pour ce dernier ? De même, si les programmes économiques du NPA et de Mélenchon sont assez similaires dans les questions de fond, leur approche des sujets de société est différente, et si on rajoute la gauche de Chevènement, ça devient encore plus compliqué. D’où l’utilité de l’échiquier politique d’ailleurs, qui permet d’apercevoir les différentes associations d’idées.

 

L’approche économique comme identité politique

Puisqu’il existe deux clivages, on pourrait admettre qu’il existerait deux classifications gauche/droite, l’une basée sur l’approche sociétale, l’autre sur l’approche économique. Mais si cette dernière est selon moi valide, la première demeure peu fiable. En effet, celle-ci dépend beaucoup de la tradition familiale et impacte toutes les générations d’une part, et il existe une multitude d’avis différents sur les questions sociétales : on peut être pour le mariage universel mais opposé à la GPA, pour la légalisation du cannabis et pour une laïcité plus stricte, …difficile d’identifier des lignes claires. Inversement, l’approche économique est beaucoup plus simple à catégoriser. On pourra distinguer le souverainisme, le libéralisme, le néolibéralisme (qui lui englobe souvent une pensée sociétale libérale), …Il est plus aisé de différencier les acteurs politiques, extrêmes mis à part. (J’y reviendrai)

A travers le prisme économique, il est aussi possible de prouver que le parti démocrate américain n’est majoritairement pas le parti de gauche que l’on prétend nous vendre, au prétexte que les républicains seraient de droite. C’est bien pour ça que ce clivage gauche-droite peut être remis en question : le libéralisme sociétal se couplant parfois avec le libéralisme économique, il est parfois tentant d’associer plusieurs partis économiquement différents sur la base d’un refus partagé du conservatisme sociétal. Mais c’est une erreur, qui, comme rappelé plus tôt, peut conduire à une uniformisation économique de l’espace politique.

 

L’exception du centre et des extrêmes

Au final, si l’on arrive à distinguer gauche et droite, le centre reste un mystère. De mon point de vue, le vrai centre n’existe pas, car il serait tenté de céder à tous les compromis et donc se trouverait assez peu efficace en termes de prise de décision. On se contentera donc de deux nuances, centre-gauche et centre-droit. Le centre-gauche caractériserait ainsi les souverainistes les moins ouverts sur les sujets sociétaux (pas forcément conservateurs), souvent plus concernés par les questions de sécurité, alors que le centre-droit qualifierait les libéraux économiques et sociétaux, ce qu’on assimilera vite aux néo-libéraux, le courant majoritaire dans l’oligarchie actuelle. On comprend vite pourquoi Macron est rapproché de la gauche, alors qu’il correspond justement à l’archétype du politicien de centre-droit.

Restent encore les paradoxes des extrêmes. Dans le cas de l’extrême-droite, celui-ci est dû au fait que plusieurs électorats sont visés, d’où un protectionnisme parfois couplé à du libéralisme comme chez Donald Trump. C’est illogique, mais assez vendeur. En effet, si l’on souhaite protéger l’économie du pays avec du protectionnisme, pourquoi alors favoriser le libéralisme économique au sein du pays ? Un tel système ne peut marcher, et si les aspirations libérales du Front National prennent le dessus dans le cas de l’accès au pouvoir pour Marine Le Pen, Florian Philippot (transfuge de la gauche souverainiste) se trouvera bien embarrassé.

[Concernant Dupont-Aignan, il n'a pas un fond d'extrême-droite, mais il est souvent tenté d'aller piocher dans ce secteur, afin de ramener les électeurs partis au FN. C'est assez déplorable, car il a les moyens d'incarner une doctrine gaulliste quand il se montre lucide.]

Pour l’extrême-gauche, le paradoxe provient du libéralisme sociétal très poussé, qui détint sur l’économie et refuse le souverainisme au motif de l’internationalisme. Finalement, si les droits des travailleurs priment, la méconnaissance de mécanismes propres à chaque pays maintient une concurrence déloyale qui conduirait à des défaillances dans le système social alors en œuvre. Dans le cas de l’anarchisme, le libéralisme économique est même de mise, cette idéologie pensant (naïvement, il faut le dire) que chacun est capable de se passer d’état.

Il est amusant de mentionner un autre paradoxe, celui de la défense active des droits des femmes couplé à une défense active du port du voile (même le plus poussé). Mais cela est un autre sujet.

 

Une nouvelle manière d’envisager l’influence des partis et mouvements politiques

Avec cet échiquier, on constate assez rapidement que les clivages et différences sont nombreux au sein de la classe politique. Pour maintenir l’unité du pays, il est évident que ces divergences compliquent les choses. Pourtant, elles sont nécessaires, c’est une évidence même.

Néanmoins, je pense que les partis et mouvements doivent acquérir une nouvelle place dans la vie politique. Présentant des candidats porteurs d’un programme, ils ne doivent cependant pas maintenir cette position de rivalité coûte de coûte. Lorsqu’un gouvernement de centre-droit (Valls par ex) veut faire voter une loi néolibérale, on arrive à une situation où (heureusement me direz-vous) les partis de droite néolibéral votent contre. C’est immature et malhonnête. Comme je le pense toujours, la politique n’est pas un jeu. Si les idées sur tel sujet de A et B convergent, alors A et B devraient voter de manière identique.

C’est à ce titre que je souhaite une diminution de l’importance des groupes parlementaires à l’assemblée. En effet, en affirmant les clivages politiques au point de vue institutionnel, on arrive à une situation contre-productive. De même, l’introduction du scrutin proportionnel est nécessaire pour véritablement clarifier le débat politique. Tout cela participerait à un exercice honnête de la démocratie, et le clivage politique ne serait là que pour définir sa pensée politique sur le long terme.

 

                 Les clivages politiques sont inévitables en démocratie (et même en dictature), mais ceux-ci ne doivent pas nuire à l’exercice politique. A ce titre, il convient de les identifier clairement, et de reconnaitre les points de convergence entre les différentes idéologies économiques et sociétales. Le vote à l’Assemblée a pour but de déterminer ce qui conduira l’avenir de la nation. Les querelles de partis, lorsqu’elles se font le témoin de la politique spectacle, sont des handicaps pour l’exercice du pouvoir. Si les divergences d’opinions et le clivage gauche-droite doivent persister, c’est avant tout pour clarifier l’échiquier politique, et renforcer la démocratie.

Echiquier politique

(le carré gris sur l'image délimite l'existence d'une zone où mes idées pourraient cohabiter avec un peu de compromis (mais rien qu'un peu))

 

 

économie libéral Macron parti socialiste front national républicains Union européenne Poutou Arthaud