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Analyse de programme bonus : #12/13, David Saforcada (France bonapartiste) et Robert de Prévoisin (Alliance royale)

 

Les élections sont finies, j’ai étudié tous les programmes en lice ; pourtant me revoilà pour une dernière analyse. Les prétendants à la candidature étaient une soixantaine au départ, beaucoup ont donc été écartés. Néanmoins, parmi les programmes, trois sortaient du lot par leur sérieux ; et après avoir traité Didier Tauzin il y a quelques mois, il est temps de s’intéresser aux projets de David Saforcada, représentant de France Bonapartiste, et Robert de Prévoisin, représentant d’Alliance royale.

 

I. Le royalisme et le bonapartisme

 

Je me situe traditionnellement à gauche, pour autant, je ne suis pas imperméable aux concepts de monarchie et de bonapartisme. D’ailleurs, il est toujours amusant de constater que notre république se rapproche effectivement d’une monarchie.

La monarchie sous sa forme historique n’a jamais été une bonne chose pour atteindre l’équilibre idéal pour le pays ; néanmoins, elle garantissait une certaine stabilité pour le pays lorsqu’elle ne s’égarait pas dans les conflits et l’opulence éhontée.

Comme j’ai déjà pu le dire dans ma théorie de la dualité de l’action politique, une monarchie éclairée n’est pas forcément une mauvaise chose. Le concept d’un leader situé au-dessus des partis et des querelles partisanes est en effet un atout pour la direction souveraine du pays. Mais le tout est de composer avec la démocratie. Etant donné l’importance de la symbolique en politique, il est hors de question pour moi de faire revenir un roi. Nous avons un président capable d’assurer ce rôle, pourquoi rappeler des mauvais souvenirs à un pays déjà bien instable ? Mais à ce rôle presque monarchique, il s’agirait d’ajouter un aspect démocratique assez absent de nos jours ; c’est pour cela que la critique de Mélenchon a l’encontre du système actuel est légitime.

En prolongement de la monarchie vint se développer le bonapartisme avec Napoléon 1er. Le développement d’une administration à la hauteur des enjeux ne suffira pas hélas à faire oublier le personnage belliqueux qu’il était. Louis-Napoléon Bonaparte, lui, su incarner un souverain plutôt éclairé au début de son règne, puisque l’aspect social était enfin pris en compte dans les décisions (jusqu’à ce que la bourgeoisie libérale vienne y mettre un terme). Ainsi, respect du peuple et autoritarisme/monarchisme ne sont paradoxalement pas incompatibles. La vision moderne de ces régimes, plus axée sur la démocratie, est-elle une solution pour le pays ?

 

II. Alliance royale, branche respectable du monarchisme de nos jours ?

 

J’ai découvert Alliance royale lorsque je répertoriais tous les candidats, et j’ai un peu regretté leur absence [pour des raisons logiques (au vu du système des signatures entre autres)] aux élections ; en effet, leur programme est, sur la forme, assez complet, et c’était l’occasion de diversifier le paysage politique.

 

En guise d’introduction du programme, je déplore la critique totale de la république « issue des lumières », qui, si elle est imparfaite, reste une avancée majeure pour le pays. (Un jour peut-être, je me risquerai à des analyses historiques).

 

A. Refondation politique

 

1° Les valeurs royales

Leurs valeurs immuables sont des lieux communs que je partage comme une majorité de gens dans ce pays ; c’est donc plutôt maladroit comme termes.

Concernant la notion de solidarité, elle est importante à leurs yeux, mais leur vision reste selon moi naïve ; penser que l’état n’a pas de rôle à jouer, c’est trop compter sur la nature humaine qui est loin d’être infaillible.

Evidemment, la famille est au centre du projet royaliste. Je suis moi-même attaché à la famille, mais je sais pertinemment que leur notion de famille est bien plus conservatrice. (Homme-femme par exemple)

Pour la partie vision économique, on a ici une association que je trouve paradoxale, à savoir libéralisme (l’état ne serait qu’un serviteur des entreprises) et souverainisme. C’est toujours mieux que le libéralisme couplé au mondialisme débridé, mais ça reste contre-productif je pense.

Enfin, pour l’unité, elle est légitimement prônée, et je peux déjà annoncer que cette notion fera l’objet d’un grand développement dans mon futur programme fictif.

 

Des valeurs à défendre évidemment, mais leur perception des changements sociétaux est clairement passéiste. A voir sur le reste donc.

 

Une ambition pour la France/ Entre continuité et rupture

Afin de mettre fin aux diverses crises qui traversent le pays, la solution serait donc pour eux l’instauration d’une monarchie. Si le concept se défend, l’associer à la fin de tous nos problèmes est plus litigieux. Pareil, leur idée de « querelle partisane » reste floue : il peut s’agir d’une critique du débat politique ou de la politique politicienne, ce qui est radicalement différent. Parce que oui, les partis devraient avoir une autre approche de la politique.

 

Passer d’un président, en l’état actuel des choses, à un roi, ne serait pas une grande rupture, c’est exact. Sur ce point, ils ont raison. Néanmoins, bien qu’ils affichent une volonté de conserver un aspect démocratique, je trouve ce dernier pas assez clair dans cette partie-là.

Enfin, la rupture quant aux finalités du gouvernement est un pamphlet contre l’oligarchie, et cela me va parfaitement. Reste à clarifier sans doute la place de l’administration.

 

B. Le projet royal

 

Avec leur roi, la légitimité serait celle de l’institution qu’il représente. En dehors de ses pouvoirs proches du président, il faudra noter une nécessité d’être catholique, ce qui me dérange beaucoup alors que je ne suis pourtant pas un laïciste très virulent (et de tradition catholique de surcroit). Le postulat de départ n’est pas idiot, mais dans les faits, ça reste assez absurde.

La fête nationale est logiquement déplacée, elle commémore désormais la bataille de Bouvines. Cohérent, certes, mais encore une fois, je n’adhère pas. Cependant, je préfère préciser que choisir des affrontements (prise de la bastille) au détriment d’un acte juridique (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) n’était pas une idée si intelligente d’un point de vue symbolique. Depuis quelques années, je reste persuadé qu’une fête nationale le 26 août serait plus judicieuse.

 

Enfin, l’idée d’une noblesse d’état développée pour ceux qui rendront services à la France est plutôt intelligente dans le cadre d’une monarchie.

 

C. La réforme des institutions

 

1° le Haut conseil

Dans le cadre d’un projet royaliste, donner une nouvelle dimension à la fonction du garde des sceaux est une bonne idée. Néanmoins, ce haut conseil présente un défaut de taille : absence de séparation des pouvoirs.

 

Ministère d’état/ gouvernement

L’existence d’un premier ministre, d’un ministre d’état et d’un gouvernement se défend, c’est un projet qui ne me parle pas tant que ça, mais pourquoi pas.

 

3° Parlement

Une nouvelle conception émerge, où l’assemblée nationale et le sénat échange, à peu de choses près, leurs rôles respectifs. L’Assemblée nationale dépendrait de collèges électoraux, et le sénat d’un suffrage universel direct proportionnel. Les finalités de ces deux corps me posent problème : pourquoi donc opposer corps sociaux et représentation populaire ? C’est trop réducteur.

 

4° Collectivités territoriales

Un projet ici convenable et défendable ; c’est un travail ardu pour repenser le mille-feuille territorial de toute manière.

 

5° Franchises communales

Comme pour le point précédent, il est dur de s’exprimer sur le sujet ; je suis favorable à plus d’autonomie pour les communes, mais pas une indépendance non plus.

 

6° Représentation

Je viens de trouver un parti défendant idéologiquement le cumul des mandats ; même pour leur projet, je trouve cela inconscient pour des questions de fonctionnement surtout. (Moins de moralité dans leur conception)

 

7° Démocratie directe

Bien évidemment, j’approuve l’idée du référendum d’initiative populaire ; néanmoins, au lieu d’avoir un roi dont dépendrait la tenue de celui-ci, je pense qu’il faudra trouver un compromis ; la démocratie est sinon à relativiser.

 

D. Les grandes réformes de société

 

La famille

Dans les milieux conservateurs auxquels semble appartenir Alliance royale, la famille est un sujet sensible, car leur vision traditionnelle perdure. On regrettera donc la fixation sur la famille homme-femme, sur la femme au foyer et peut-être sur l’octroi automatique du nom de l’homme. (Déjà moins gênant, certes). Néanmoins, leur politique familial englobe aussi l’adoption, qui est, elle, très bien traitée.

 

l’école

Sur l’école, Alliance royale est extrêmement libéral, ce qui n’est pas très cohérent avec leur vision de la nation. Chaque établissement serait donc libre de sa politique éducative, ce qui créerait des disparités évidentes. De même, la formation professionnelle commence dès 14 ans, ce qui pose le problème de la jeunesse dans le monde du travail.

 

la solidarité sociale

De même, la conception de la sécurité sociale est assez libérale ; tout baser sur les régimes privés reste une idée risquée ; sur le papier, ça peut marcher, en vrai, c’est la porte ouverte à tout et n’importe quoi.

Les départements se voient offrir un rôle qui peut cependant marcher dans ce système.

 

La nationalité française

La question du droit du sol est assez sensible ; venant de la droite conservatrice comme eux, je pense que leurs propositions sont un bon compromis, avec une naturalisation par mariage facilitée. Le refus de la bi nationalité se tient ; je ne sais pas trop quoi en penser.

Sur l’immigration, ma position étant plus mélenchoniste, je peux difficilement être en accord avec la leur, même si encore une fois, on y trouve un certain compromis.

 

la fonction publique

Encore un sujet qui fâche. Les fonctionnaires, limités aux fonctions régaliennes, verraient leurs droits politiques restreints par une vision trop stricte du service de l’état. J’ignore d’où vient ce cliché du fonctionnaire privilégié, mais il est visiblement tenace.

 

l’armée des volontaires

Il est difficile de comprendre leur perception de l’armée ; j’aurai donc bien du mal à m’exprimer là-dessus. Cependant, limiter la formation militaire aux hommes représente un certain retour en arrière plutôt regrettable.

 

E. La France dans le monde

 

L’analyse diplomatique du monde et de l’Europe est très satisfaisante ; affichant une volonté de pragmatisme face aux nationalismes et à l’européisme, ils défendent un souverainisme assez attractif ; esquissant légèrement l’idée d’une Europe des nations, plus qu’une nation européenne.

 

Globalement, je suis assez en accord avec leur vision de ce que doit être la souveraineté étatique. J’aurai juste un bémol sur la monnaie nationale. En effet, à moins que l’ensemble des transactions ne se fassent numériquement (ce à quoi je suis opposé), le fait que chaque pays ait une monnaie différente représente un obstacle pour le commerce. Il faudrait donc envisager différemment le statut monétaire de la France. (Sujet ardu)

 

Sur l’Union européenne, je partage donc assez leur conception, d’autant plus qu’un renforcement de la francophonie ne peut pas faire de mal.

 

III. France Bonapartiste, du bonapartisme au 21ème siècle?

 

Pour l’anecdote, lorsque je tenais encore ma page sur tous les candidats, c’est le candidat de France Bonapartiste David Saforcada qui m’a contacté pour que j’évoque sa candidature. J’ai apprécié l’initiative, et j’étais, il faut le dire, assez intrigué.

Trouver un PDF m’aurait facilité les choses, mais je me contenterai de leur site internet.

 

Pour leur introduction, je dois reconnaitre que leur constat est assez similaire au mien. Porteurs eux aussi d’un projet souverainiste, qu’ont-ils à proposer d’innovant ?

 

1° Institutions et souveraineté populaire

Leur réforme institutionnelle est plutôt satisfaisante (Référendum, vote blanc reconnu,…) même si j’ai du mal avec le cumul de mandat (même pour un maire, ça reste problématique) et le septennat (que je trouve trop long par rapport à un sextennat). Le nombre de députés est réduit, comme toujours, j’ai du mal à me prononcer sur cette question pour le moment.

 

2° Territoires

Je suis assez mitigé sur ce pan du programme. Si la loi NOTRe doit être supprimé, et les territoires d’Outre-mer protégés, je trouve que la suppression des régions et des métropoles est loin d’être un acte judicieux. Enfin, le désenclavement des territoires est une très bonne chose.

 

3° Indépendance nationale

France Bonapartiste milite pour un référendum sur la sortie de l’UE, mais avec le souhait d’une Europe de coopération. Comme pour de nombreux programmes, l’aspect diplomatique est satisfaisant, avec une sortie de l’OTAN, un développement du continent africain et un retour sur les partenariats avec Qatar et Arabie Saoudite. Je ne peux qu’y adhérer.

 

4° Autorité

La perception de l’autorité conduit à proposer une politique assez à droite.

Pour la suppression de la prescription pour les crimes de sang, viol et actes pédophiles, c’est pas souvent proposé et semble être une bonne idée.

Mais que ce soit l’expulsion des délinquants ou le projet flou sur les peines pour mineurs, on tombe dans le grand classique de la droite. Cependant, j’apprécie l’indignité nationale pour les corrompus par exemple.

 

5° L’école

Le programme scolaire reste assez flou, mais je ne pense pas avoir à rappeler mon opposition au port de l’uniforme et à la sélection en université. Je ne pourrai donc pas m’étendre beaucoup plus.

 

6° L’économie

Je me félicite du pan souverainiste du programme, avec promotion du made in France et lutte contre la concurrence déloyale. Mais la volonté de « libérer » les entreprises en parlant de fiscalité et de droit du travail m’effraie un peu. La situation sociale risquerait de changer dans le mauvais sens.

 

7° La fiscalité

On commence fort avec la suppression de l’ISF qui pourrait donner une orientation inquiétante sur la politique fiscale. Globalement, les orientations sur le sujet ne sont pas toujours claires, même si on voit clairement que ce sera grandement allégé.

 

8° L’agriculture

La politique agricole est plutôt intéressante, avec défense de la biodiversité, indépendance alimentaire et favorisation des circuits courts. Comme de nombreux partis à tendance souverainiste, le domaine de l’agroalimentaire est toujours traité avec sérieux et conscience.

 

9° Question sociale

Je m’étonne de ne rien trouver sur le mariage pour tous dans cette partie (commune dans les partis conservateurs par exemple) ; seule la question de la GPA est abordée, j’y suis opposé aussi, donc c’est parfait.

Dans cette catégorie fourre-tout, la plupart des sujets sont bien traités, même si mélanger patrimoine culturel, santé et question sociétale est plutôt maladroit dans la forme.

 

10° immigration

Hormis la mesure (visiblement) destinée à la lutte contre le travail au noir, le reste représente une vision très à droite de l’immigration ; comme souvent, l’immigration est uniquement perçue comme la venue volontaire d’étrangers, alors que c’est bien plus complexe. Il ne s’agit pas de tout accueillir à bras ouverts, c’est sûr, mais quand on évoque les poncifs éculés comme la suppression de l’AME, c’est toujours dérangeant. 

 

11° écologie

Sur l’écologie, les bonapartistes sont pro-nucléaires (très peu de mesures à ce sujet), mais le reste des mesures ne sont pas mauvaises. Peu originales, elles restent appréciables comme le développement du photovoltaïque, la lutte contre le trafic d’animaux ou la protection des abeilles. Leur attachement à un EDF public conforte leur position souverainiste. Enfin, la protection du littoral leur tient à cœur, tout comme moi donc.

 

IV. Conclusions ?

 

En raison de leur nom qui entraine immédiatement la résurgence des souvenirs du monarchisme et du bonapartisme, ces deux partis sont injustement classés à l’extrême-droite. S’ils sont effectivement conservateurs (surtout Alliance royale), leurs projets demeurent intéressants et pas si extrêmes. Sous certains aspects, le souverainisme mêlé à ce conservatisme sociétal pourrait rappeler Debout la France ou le Front National. Néanmoins, concernant le parti royaliste, le libéralisme affiché le distingue clairement de France Bonapartiste.

Le projet du retour à la monarchie est bien développé, tandis que la posture bonapartiste n’apparait pas trop chez FB, en raison sans doute de l’aspect bonapartiste du régime actuel (pas de grande différence visible donc).

Les deux conceptions du pouvoir présidentiel sont plutôt proches, et ne diffèrent pas tant que ça de la pratique actuelle.

Enfin, la suppression des régions pour France Bonapartiste et la vision très archaïque de la famille pour Alliance Royale sont peut-être d’autres points négatifs à souligner.

 

Leurs programmes étaient intéressants cependant à lire, montrant peut-être une autre vision du souverainisme (plus ou moins modéré) de droite.

 

Notation : (Alliance royale puis France Bonapartiste)

 

Penser l’Europe

4/5

3,5/5

Réorganiser le travail et l’emploi

2/5

2,5/5

Une sécurité assurée

2,5/5

2,5/5

La réindustrialisation de la France et sa protection économique

2,5/5

3,5/5

Une réforme culturelle ambitieuse

2,5/5

3/5

Penser le défi écologique

0,5/5

3,5/5

Réguler la place des marchés financiers et des banques

0/2,5

0/2,5

Penser l’avenir spatial

0/2,5

0/2,5

Penser la place et le financement de l’armée française

2,5/5

3,5/5

Penser les relations internationales

3/5

4/5

Niveau d’absence de danger pour la France

4/5

5/5

 

Total : 24/50 pour Alliance Royale et 31/50 pour France Bonapartiste

 

Comme en témoignent les notes, les bonapartistes présentent un meilleur programme, même si dans les deux cas, le cap des 35/50 n’est pas atteint. Alliance royale, au même titre que François Asselineau, perd donc des points sur des vides assumés de son programme présidentiel ; en effet, nulle trace de l’écologie pour les royalistes, et leur positionnement est loin d’être responsable.

Autre déception, aucun des deux partis n’aura été capable de présenter un plan de régulation du secteur bancaire.

Deux candidats que j'aurai bien aimé voir en débat, mais dont les programmes ne sont pas si originaux que ça donc.

 

 

programme Alliance royale France bonapartiste