Créer un site internet

Fiche de lecture #1 : ce que doit faire le prochain président (Agnès Verdier)

  • Par
  • Le 14/10/2017

 

Nouveau concept sur ce blog, les fiches de lectures…Lorsque j’estime qu’un livre ira probablement à l’encontre de mes convictions, je serai tenté d’en faire une critique au fil des pages ; bien qu’un livre politique m’ayant plu pourrait aussi subir ce sort.

Pour débuter cette série qui sera assez dispersée dans le temps, j’ai choisi un livre tout indiqué pour me faire sortir de mes gonds (et de ma zone de confort), celui d’une polémiste directrice d’un Think Thank libéral…Le titre est déjà assez prétentieux, rappelant les heures sombres de l’histoire économique (There is no alternative). Alors, que vaut réellement ce que doit faire le prochain président ?

 

                                                                                                          

Dès l’introduction, on pourra déjà repérer un vocabulaire laissant aucune chance à la contradiction…Revenant sur la période Hollande, elle affirme que les promesses qui sont tenues dès les premiers mois sont les plus […] contre-productives (60000 profs et taxe à 75%). Je comprends que l’on puisse être contre la taxe à 75% (tout dépend des arguments et de l’Ersatz qu’il y aurait à la place) mais j’y suis plutôt favorable. Non, ce qui choque essentiellement, c’est l’affirmation selon laquelle l’embauche de 60000 profs serait une mesure contre-productive…C’est sûr que l’éducation est assez peu importante après tout…

 

Arrêtez le gâchis

Concernant la première sous-partie, il y aura peu choses à dire. Question de forme, beaucoup moins de fond, une phrase viendra rapidement me taper dans l’œil : tous les politiques en France savent bien qu’il faudrait régionaliser Pôle Emploi pour que ça marche mieux. Au-delà d’idée sur laquelle je serai incapable de me prononcer pour le moment, il y a donc une nouvelle fois cette idée selon laquelle il n’y a qu’une issue, et que tout le monde le sait…

Néanmoins on trouve bientôt des réflexions pertinentes sur le manque de communications et l’usage d’emplois fantômes, qui bien évidemment sont un problème dans l’administration. Un bon point donc.

Cette sous-partie se nommait « ce qu’on ne veut plus voir », ce qui démontre encore une parole prise au nom du monde entier…On ne pourra pas la changer je le crains…

 

La suite est assez technique, concernant le prélèvement à la source. Je n’ai pas encore pris le temps de m’attarder sur les questions d’impositions, donc je ne peux pas me prononcer décemment. Je retiendrai juste que pour elle, Macron est de gauche.

 

Sautant une autre sous-partie, j’arrive à la bien-nommée « en finir avec le faux état-stratège. »

Le premier sujet est abordé de manière intelligente. Il s’agit alors de critiquer les décisions de l’Etat au sujet d’Alstom, avec les commandes inutiles passées récemment. (Bon préciser « sans appel d’offres » n’a aucun intérêt). C’est effectivement de la politique pré-électorale dénuée de vision stratégique industrielle (bien que je sois curieux de connaitre sa vision à elle).

Néanmoins, la suite revient à la traditionnelle critique de l’état actionnaire, dont le point d’orgue est l’ordre à peine dissimulé d’abandonner EDF, La poste, la SNCF, FDJ…Bref, sous certains aspects, le libéralisme est une maladie incurable.

 

Simplifier et économiser

Dans réorganiser la France, on trouve certains raisonnements pas si bêtes, comme l’idée de se servir plus intelligemment de la décentralisation (culture, …) Cependant, du côté de la politique éducative, c’est déjà plus litigieux ; d’autant plus que la suppression des rectorats et académies éloignerait encore plus l’état, ce qui ne serait pas forcément une bonne chose.

Autre sujet qui fâche, la gestion du mille-feuille territoriale. Nul ne doute que la réforme territoriale tant décriée a dû lui plaire, mais elle veut aller plus loin avec des fusions de communes, cheval de bataille des libéraux et des partisans de la rigueur. Certes, elles représentent un potentiel d’économie mais cela se ferait au détriment des réalités historiques, et comme toujours, on trouverait un nouveau poste à ouvrir pour caser le maire spolié de sa fonction…Enfin, cerise sur le gâteau, il faudrait selon elle supprimer les départements, et limiter le nombre de communes à 5000 à terme…Pour les départements, l’idée peut être évoquée (je n’y suis pas favorable pour l’instant), mais les communes représentent une attache historique très forte, ce serait une erreur magistrale.

 

Pour recentrer l’état, l’introduction porte sur les dépenses en décroissance pour la sécurité des français. Certes, c’est vrai, mais avait-on besoin pour autant d’un comparatif avec les dépenses sociales ? Plus loin, ce sont carrément des inepties qui sont abordées. En accord avec une commission parlementaire proposant la fusion de la BRI, du RAID et du GIGN, elle n’hésite pas à aller plus loin en suggérant la création d’un grand ministère de la sécurité et de la justice. Montesquieu se retournerait dans sa tombe, tant on s’éloigne de la séparation des pouvoirs. Enfin, toujours hantée par la primauté du privé, voilà qu’une externalisation de certains domaines judiciaires vers le privé serait judicieuse. Si ça peut être le cas pour la protection d’anciens présidents, hors de question d’y penser pour le transfert de détenus.

On retrouve un peu espoir en voyant la juste analyse sur l’armée en déclin, mais globalement, cette partie n’est pas très convaincante.

 

La sous-partie suivante évoque une baisse de 90 milliards € de dépenses, ce qui laisse présager de sombres idées. On trouvera donc successivement la retraite à 65 ans et les attaques habituelles contre les fonctionnaires (gel du point d’indice, des embauches, …), ce qui m’étonne. Je m’attendais à plus d’engagements radicaux en défaveur de l‘état.

 

« Sortir de la folie fiscale ». Bref, la suppression de l‘ISF n’est pas une surprise.

 

Neutraliser les ennemis de la réforme

On retrouvera dans cette partie un appel au combat contre les adorateurs de l’impôt…Dangereusement autoritaires comme termes.

 

Sa sous-partie consacrée à la suppression de l’ENA est par contre très appréciable dans son ensemble. La citation de nombreuses incohérences et dysfonctionnements liées à ce système se révèle percutante.

 

On pourra retenir dans une autre sous-partie la volonté de gérer les grèves de manière à pouvoir y échapper, comme si la pression sociale n’était là que pour des prunes. Parmi les critiques adressées aux syndicats, certaines sont sans doute justifiées, mais nulle trace du Medef, qui à l’instar des autres syndicats, possède aussi une comptabilité litigieuse.

 

Le chapitre suivant est dédié aux dérives de Bruxelles. Chiche ?

La critique des privilégiés du système européen est la bienvenue. Pour une fois que la critique envers des fonctionnaires est justifiée ! Entre arrangements financiers et avantages fiscaux, il était temps d’y jeter un œil. Bon, ceci dit, clore cette partie par une louange des règles budgétaires de l’UE et un mépris envers l’harmonisation fiscale n’était pas nécessaire…

 

Ce qui doit être fait immédiatement

Bon, on commence par du lourd avec l’usage recommandé des ordonnances, qui rappelle étrangement la réalité actuelle. S’ensuit une hécatombe sociale : fin des 35h dans le privé, gel des embauches de fonctionnaires et surtout envie de supprimer les statuts actuels de la fonction publique (histoire de s’aligner sur le privé). Puis vient le traditionnel mythe de la retraite basée sur l’espérance de vie, qui occulte donc les personnages âgées en mauvaise santé ; l’âge ne veut rien dire si seul le cœur suit. (La justification de la retraite à 65 ans est donc nulle avec cet argument.)

 

Passant rapidement sur le chapitre suivant au cours duquel est suggérée une banalisation du vote électronique, j’en profite pour rappeler que les trucages et espionnages informatiques existent.

 

Sa sous-partie sur « neuf lois avant fin 2018 » présente quelques prétendues absurdités qui n’en sont pourtant pas. Alors comme ça, les huit heures de cours sur la psychologie et la sociologie du deuil seraient superflues pour les agents des services funéraires ?

De retour sur l’amélioration du secteur militaire, je peux me satisfaire à nouveau de sa jugeote sur le sujet. Etonnant de la part d’une partisane de la rigueur.

 

Dans son chapitre sur changer la constitution, j’aimerai revenir sur son obsession pour les grosses communes. Pour le premier janvier 2020, elle souhaiterait un seuil minimum d’habitants de 5000 ! Pour avoir de la famille dans un petit village d’Outre-forêt en Alsace du Nord, je ne peux que confirmer la stupidité de cette idée. Certes, n’avoir plus que 5000 communes serait un avantage financier. Mais quid de l’identité communale chère aux habitants ? Etre fondu dans une masse avec pour seul lien un territoire proche n’est guère envisageable.

Enfin dernière remarque précise sur son livre, j’apprécie l’encouragement des référendums qui y est fait.

 

Alors, que peut-on en penser ?

Je m’attendais à un ramassis d’inepties économiques et sociales, au seul bénéfice de la réduction des dépenses et de la fin de l’état, et de ce côté-là, j’ai été servi. Néanmoins il faut reconnaitre certaines analyses justes, au regard des dérives dans le système même de l’état par exemple. De même, l’armée est considérée à juste titre et plutôt épargnée par la réduction des dépenses.

Néanmoins, quand je me présente comme opposant au libéralisme, c’est exactement ce genre de livres qui me confortent dans mes opinions. Ecrit d’une plume autoritaire mais lisible (Le TINA apparait quelques fois), c’est malheureusement cela qui rend le livre dangereux. Tout le monde peut le lire, et tout le monde croira qu’il n’y a que ça à faire…

 

Pages d’où proviennent les citations et références (liste non exhaustive):

11-17-19-23-31-64-67-86-112-159-177-199-213-232-236