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[Lignes de crête ; France Insoumise: une crise à la croisée des chemins bruns] – comprendre en une analyse d’article le sectarisme de gauche

 

J’ai déjà analysé plusieurs livres d’opinions différentes des miennes, afin de faire preuve d’un peu d’ouverture d’esprit et d’argumenter efficacement en contrant des arguments avancés par les grandes pontes du système néo-libéral. Mais l’idée d’analyser des articles m’a souvent traversé l’esprit – j’ai quelques papiers dans mes favoris qui n’attendent qu’une lecture analytique – et me voilà aujourd’hui pour l’analyse d’un article émanant de…la gauche. Et pourtant, la critique va être tout autant virulente.

 

En effet, il faut comprendre quelque chose avec la gauche actuelle, c’est qu’elle vit très mal le fait d’intégrer une grande variété de courants. Entre les parjures socio-démocrates, les macronistes modérés, les communistes, les insoumis souverainistes, ceux qui ne le sont pas, les antifas, …Il y a de tout sur cette case de l’échiquier dès lors qu’on y intègre l’extrême-gauche à ses côtés. Et cette diversité d’opinion ne se manifeste pas par un débat cordial sur ce que devraient être les orientations de la gauche, mais bien par un sectarisme affolant.

Pour A, ceux qui pensent à peu près comme la majeure partie de son camp détienne la vérité et le monopole de la vraie gauche ; pour B, c’est ceux qui pensent comme lui, et surtout, que l’un ou l’autre ne s’avise pas de penser différemment sur un sujet majeur, sous peine d’être voué aux gémonies et d’être ostracisé du débat grâce à la carte fascisme. Pendant que les entreprises se font exploiter par les actionnaires, que les média avalent la soupe du système sans piper mot, que la souveraineté et la nation deviennent des insultes, et que l’on incite la planète entière à adhérer au nomadisme next-gen, la gauche et l’extrême-gauche dans sa base militante semble en être là, coincée face un mur dont la seule ouverture leur est dissimulée par des œillères.

 

Maintenant que la messe est dite, parlons de cet article.

L’auteure se nomme Nadia Meziane, et appartient donc au site Lignes de Crêtes, dont la description annonce la couleur :

« Site d’analyse et d’opinion collectif, internationaliste. Lignes de Crêtes s’assume politiquement bienpensant, antiraciste, antifasciste, spirituel, international, féministe et résolument contre l’antisémitisme et l’islamophobie ».

Ils ont au moins le mérite d’être honnête et d’assumer leur subjectivité. Evidemment, avec un tel pedigree, je pouvais difficilement avoir le même point de vue. (Pour l’anecdote, parmi ses qualificatifs, aucun ne correspond à ma ligne éditoriale). Au détour d’un regard rapide sur une page Facebook très à gauche, me voilà donc attiré par cet article traitant de la France Insoumise. Entre le moment où j’ai voté pour l’avenir en commun et aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Je partage toujours un grand nombre d’idées avec, et j’ai toujours souhaité le plus grand bien de cette formation politique en dépit de désaccords, surtout pour quelques députées. Mais pourtant, ce n’est pas en tant qu’électeur insoumis de 2017 que je fais cette critique, mais bien en tant que citoyen déplorant la dissolution du combat pour l’intérêt général à travers des querelles partisanes. J’essaye tant bien que mal de ne plus me revendiquer de gauche, bien que ce soit le bord le plus compatible avec ma vision politique, mais il reste pourtant nécessaire d’obtenir de cette case de l’échiquier politique des résultats utiles pour l’avenir, comme une unité autour de grandes lignes économiques par exemple ou un vrai débat autour de l’UE et des frontières. Cela crédibilisera enfin la lutte sociale qui bat de l’aile dans ce pays malgré le lot de catastrophes mensuelles signées Macron.

 

1° Illusoires proximités idéologiques entre deux bords politiques opposés

 

Histoire de rappeler ce dont il s’agit, l’article traite donc de la crise qui agiterait la France Insoumise. Je dis bien « agiterait » parce que si crise il y a, elle n’est pas plus grande que n’importe quelle crise de jeune mouvement politique qui se cherche encore.

Huit lignes. Il faudra huit lignes pour voir apparaitre le terme « fasciste ». Pas encore associé à la FI, (parce que oui, il faudra vous y attendre), mais déjà utilisé à tort. La lecture à peine commencée que c’est déjà une avalanche de points de vue très discutables. La crise européenne de la FI serait liée à la victoire des « fascistes » en Italie. Mussolini ? Que nenni, il est ici question de Salvini. Ce dernier est-il d’extrême-droite ? Probablement. Est-il fasciste pour autant ? Rien ne permet de l’affirmer. Si par fascisme ils entendent souverainisme conservateur, alors plus de la moitié du globe est composée de pays fascistes. Je ne défends pas la politique italienne dans sa globalité – je supporterai évidemment les mesures souverainistes que je trouve légitimes avec mon regard extérieur – mais au même titre que faire des fake news pour discréditer Trump est risible, renvoyer un adversaire politique au stade du point Godwin ne sert à rien.

Dans l’ordre, nous avons droit à la traditionnelle évocation de similitudes entre France Insoumise et extrême-droite. Je comprends mieux pourquoi ils défendent les médias traditionnels ; ils en reprennent les codes. Une dernière fois donc : oui, FI a des idées similaires au Fn, mais aussi aux Hamonistes, et peut-être même aux républicains. En fait, chaque parti est proche sur un sujet au moins d’autres adversaires politiques. C’est ce qui fait la diversité des partis politiques en France justement.

 

Voici les points soulevés :

°nationalisme exacerbé au nom de la défense du petit peuple : ce qu’ils nomment nationalisme exacerbé, c’est simplement du patriotisme, notion inconnue pour un internationaliste. Renvoyer directement le patriotisme d’une frange de la FI (pas tous hélas) à la notion de nationalisme est malhonnête et n’a rien d’anodin. Le nationalisme, en dehors d’être un courant politique présenté un patriotisme radical, est surtout un terme à connotation péjorative dans l’imaginaire politique actuel.

°Dénonciation du « complot des élites mondialistes » avec les mêmes cibles, comme Georges Soros : Autre trait de caractère visiblement négatif aux yeux de Lignes de Crête, la dénonciation des élites. Pour eux, et cela reviendra au fil de l’article, la critique des élites n’a pas sa place à gauche (ni même à droite ? reconnaissent-ils même l’existence d’élites ?) Tant pis donc si un sommet à Davos se réunit chaque année, tant pis si le club Bilderberg est toujours aussi influent que l’âme damnée d’un seigneur des ténèbres, et tant pis si George Soros est un manipulateur qui ne sert qu’une cause, celle du système. Visiblement, c’est d’être d’extrême-droite que de penser cela.

°Relents antisémites et/ou islamophobes : La FI s’est parfois prononcé en défaveur à titre personnel contre le voile et l’islamisme politique, et a souvent critiqué la politique de l’état d’Israël. C’est à peu près tout. Sachant que l’antisémitisme est un terme qu’il faudrait vraiment actualiser (et changer en antijudaïsme) et que l’islamophobie n’est pas un délit quand elle désigne la critique de la religion musulmane, nous voilà dans une impasse…

°défense ou complaisances avec des dictatures comme celle d’Assad au nom de l’anti-impérialisme qui épargne toujours Poutine : L’article paraissant la même semaine où Mélenchon apportait son soutien à un prisonnier politique russe, c’est un axe de critique qui laisse à désirer. Oui, la France Insoumise comme presque tous les partis politiques n’est pas interventionniste. Est-ce un mal ? Le cas de la Syrie est d’ailleurs plus complexe, entrainant un recul politique que tous les partis n’ont pas forcément envie d’utiliser. Limiter la guerre en Syrie à Bachar le boucher, c’est faire un raccourci insultant envers l’Histoire contemporaine.

°discours anti-scientifique notamment sur les vaccins : les vaccins, nouveau terrain miné de la gauche. La France Insoumise n’est d’ailleurs pas anti-vaccin, et critique tout au plus le lobby pharmaceutique – et aura raison de le faire-. Se poser la question de l’intérêt d’une brochette de 11 vaccins et leurs adjuvants n’a rien d’illégal dans ce pays il me semble, et c’est au contraire en faveur de la santé que cette question s’est déjà posée.

 

Dernier point de similitude, le combat contre « la démocratie bourgeoise ». Comme pour les autres points, une question se pose : et si c’était l’extrême-droite qui avait emprunté ce combat à l’autre ? Mais ici, la réponse en France est déjà connue. L’ajout d’une partie sociale au programme du FN s’est majoritairement fait par le truchement du rejeton du chevènementisme Florian Philippot, entrainant alors une critique du système capitaliste qui déplait en réalité à une bonne part des cadres du FN (qui n’en ont rien à secouer de savoir sous quel système ils vivent, pour parler franchement).

 

2° L’internationale ou rien, festival des amalgames et de la pensée unique

 

La grande tradition chez les militants de gauche, c’est de s’autoproclamer progressiste et de combattre par cette occasion les amalgames envers les personnes étrangères, d’autres confessions…Cela n’empêche visiblement pas Lignes de crêtes de multiplier les attaques envers la France Insoumise à grand renfort d’amalgames.

Tout d’abord, le refus du traité européen de 2005 est associé immédiatement à une victoire nationaliste. Les politiques discutables de l’UE feraient jeu égal avec la tentation d’extrême-droite dans les causes de ce rejet. Déjà là, c’est être de mauvaise foi que de faire ce constat, pour une seule raison : dans le cas européen, le vote d’extrême-droite n’est pas une maladie, mais un effet consécutif au symptôme précédemment cité, la politique européenne. Tous ceux qui ont voté non ne l’ont pas fait pour cette raison, mais on peut se douter que la part demeure très conséquente. Le non au référendum de 2005, dont le traité de Lisbonne confirmera la légitimité de ce résultat, résulte donc principalement du désastre des politiques européennes plus que d’un repli extrême-droitiste.

Selon LDC, la France Insoumise incarne « une partie de la gauche qui renonce à certaines valeurs antifascistes, décide de considérer que les électeurs d’extrême-droite sont principalement les classes populaires qui posent les bonnes questions et que le rôle de la gauche radicale est d’y répondre correctement et de s’emparer des thématiques qui font recette. »

Que peut-on répondre à cette accusation directe de populisme ? Tout simplement qu’il y en a marre de considérer l’électorat d’untel comme un bloc homogène et indissociable. D’ailleurs, dans un monde idéal, il serait bien de se contenter d’une distinction entre électeur militant et électeur indécis, qui s’avère bien plus honnête et moins péjorative pour les concernés.

Du côté des militants FI, ils seraient nombreux à considérer l’héritage progressiste et social de la gauche comme un « frein à l’expansion du mouvement », et ce sera négatif selon Lignes de Crêtes. Ces derniers n’ont peut-être pas compris la différence entre militer efficacement et chercher à plaire à tout le monde à tout prix. Comme pour chaque parti, certaines mécaniques du militantisme peuvent flirter avec le populisme. Mais qu’appellent-ils des valeurs antifascistes ? La lutte contre l’extrême-droite ? (qui n’est pas une valeur mais un but politique).

De plus, si par bonnes questions ils entendent « est-ce normal que les délocalisations soient toujours autorisées de manière aussi laxiste dans ce pays ? Pourquoi la France n’est plus maitresse de son économie ? Pourquoi personne n’agit pour la concurrence déloyale qui m’affecte directement ? », Alors oui, les « électeurs frontistes » ont raison de les aborder ; et la France Insoumise d’y répondre. Mais dans un monde soumis à une mondialisation sans borne, ce n’est pas faire recette que de s’y opposer. Enfin, comme la montré Renaud Dély dans l’article « gauche GPA et France Nutella » (article déjà cité dans un billet précédent je crois), les thématiques progressistes chères à la gauche ne sont peut-être pas des préoccupations prioritaires et centrales pour le monde prolétaire et salarié. La FI l’a à peu près compris, pas LDC. La pensée à gauche évolue, ce n’est pas plus mal.

 

Cette évolution de la pensée, les idéologues de Lignes de Crêtes l’ont mal digéré. Dans une société où une bonne partie des citoyens ne se reconnait dans aucun parti (y a-t-il besoin de sondages pour le confirmer ?), et où les conflits droite-gauche se partagent le tableau électoral depuis perpette, dans ce pays où le parti socialiste est passé à droite il y a trente ans et où leur dernier président avant Macron a battu des records d’impopularité, comment peut-on encore espérer séduire un électorat en s’ancrant résolument dans le bord politique qui nous corresponde ? Oui, l’étiquette gauche ne fait plus vendre. Oui aussi, la social-démocratie est réellement de droite, du moins économiquement. (LDC soutenant le contraire). Quand on est un parti politique, on espère en théorie séduire le plus de monde possible avec sa propre vision du monde. L’inclure dans un référentiel gauche-droite, c’est s’assurer un ancrage dans « l’ancien monde » qui portera préjudice aux scores électoraux. Mais au-delà du marketing, c’est surtout une volonté de rassembler large dans un pays où même un aveugle verrait que ces terres sont marquées principalement à droite. Qui dit marqué à droite ne sous-entend pas que le marquage soit fait au fer rouge. D’un candidat ou d’une élection à l’autre, ce marquage peut changer. Conclusion, les étiquettes sont mortes, vive les programmes politiques non sectaires.

A ce paragraphe optimiste, je rajouterai que le seul candidat réellement populiste était celui qui a vendu des parts de son programme à la tête du client, celui qui ne s’est jamais positionné clairement pendant toute sa campagne, celui enfin qui en Mai 2017, a gravit le perron de l’Elysée en inaugurant ainsi le début de sa mission destructrice.

 

Toujours du côté de l’évolution de la gauche, la partie suivante de leur article est forte intéressante, mettant en avant divers articles de presse pouvant aboutir au constat de prétendues connivences avec l’extrême-droite. Intéressante parce qu’encore une fois, la manœuvre utilisée est la même. L’ouverture, le dialogue prôné par Mélenchon ou la FI est amalgamé avec une pseudo-connivence, qui est tout sauf réelle.

Abordons ces articles successivement :

°Jean-Luc Mélenchon tendrait la main à une partie des manifestants de la manif pour tous : (2)

Interview réalisée pour le site famille chrétienne, elle présente un Mélenchon posé, très respectueux et moins laïcard qu’on ne veut le faire paraitre. Tout en nuance, il réaffirme son opposition bien connue à la GPA, et défend bon nombre d’idées dites progressistes (dans le cadre du clivage avec les réactionnaires j’entends), comme la PMA, le suicide assisté ou l’avortement. Il effectue un rappel utile à l’occasion, le christianisme originel a souvent été social.

°Jean-Luc Mélenchon aurait développé un discours nationaliste des plus outranciers (3)

A l’occasion d’une énième provocation de Macron affirmant la responsabilité de la France dans la rafle du Vel d’hiv, Mélenchon rappela la responsabilité du régime de Vichy, qui ne représentait pas la France. Sur la responsabilité de la collaboration, le débat a toujours fait rage, mais ce sont des débats basés sur des conceptions historiques et des avis subjectifs.

°Jean-Luc Mélenchon aurait pris parti pour des militaires d’extrême-droite (4)

Suite aux polémiques budgétaires incluant les sorties remarquables du général Pierre de Villiers, ce dernier reçoit le soutien de Mélenchon à travers une défense de la liberté d’expression et d’opinion (un concept assez flou pour la frange de la gauche incarnée par lignes de crêtes, j’ai l’impression). Le leader de la FI réaffirme à cette occasion l’ineptie représentée par l’austérité appliquée au budget des armées.

°Jean-Luc Mélenchon fustigerait les casseurs des manifestations avec des termes d’une extrême violence (5)

Ce cas est plus délicat, car dans les faits, Mélenchon a fait dans l’outrance ce jour-là. Mais le fond de son message revenait à condamner les casseurs, ce que ne souhaite pas faire Lignes de Crêtes à mon humble avis.

En plus des quatre cas présentés ci-dessus, on a droit à d’habituels rejets de protectionnisme ou des soupçons d’antisémitismes, rien qui ne vaille que l’on s’y attarde. A travers ces passages, on observe donc une volonté de diffamer Jean-Luc Mélenchon en usant de procédés rhétoriques douteux pour l’assimiler à un immonde fasciste. Leur remarque sur la défense du petit patron face à la mondialisation, et cette manie de délégitimer l’adversaire politique, me laisse penser qu’ils considèrent sans doute le communisme soviétique comme l’unique ligne acceptable ; du moins cela justifierait au moins la mauvaise foi de cet article.

 

Histoire de clore cette compilation d’amalgames, on peut aborder l’affaire dite du « leader politique à contre-courant », à savoir le refus de Mélenchon d’appeler à voter Macron contre Le Pen. Lignes de Crêtes ne l’a pas supporté non plus visiblement, ce qui fait un point commun avec Laurent Ruquier, Nathalie Saint-Cricq et Emmanuel Macron. Notre cher site, s’il était soumis au même niveau de critique que le leur, pourrait donc être qualifié de site d’extrême-centre, en défendant cette position « barragiste » similaire à Macron et Cie.

Voter contre Le Pen, c’est dans la théorie. En pratique, ça s’appelle voter pour Macron, le candidat qui a sans doute le moins de points communs avec la France insoumise. Comment un site aussi progressiste, ancré à gauche, peut-il appeler ainsi à voter pour un tel candidat ? Les internationalistes de tout bord seraient-ils liés idéologiquement ? Oserai-je faire cet amalgame ?

 

3° Djordje Kuzmanovic et Le vent se lève, icônes de la difficile évolution de la gauche

 

Un militaire dans les rangs de la gauche, pour beaucoup d’antifas ça doit faire jaser. Imaginez maintenant que celui-ci soit non aligné sur les positions internationales de l’OTAN, qu’il défende une ligne souverainiste, et qu’il opte pour une position pragmatique sur l’immigration. Vous obtenez alors le « scandale » Kuzmanovic.

Maintes fois accusé d’être à l’extrême-droite, ces accusations n’ont pourtant que peu de sens lorsqu’on se penche sur son parcours et ses positionnements. Certaines ont déjà été démontées plus haut, d’autres pas encore abordées. Par exemple, prenons le cas de la guerre en Syrie. Bourbier illisible où tout est gris, ce sujet mérite mieux que le traitement dicté par les forces de l’Otan. Lignes de crêtes évoque donc les massacres d’Alep, qui, rappel, est une ville aux mains des rebelles majoritairement islamistes qui se servent des civils comme d’un bouclier. Que Bachar Al-Assad ait effectué des bombardements, c’est une évidence. Que ceux-ci aient eu pour but de tuer son peuple, c’est déjà moins sûr. Comme je le disais dans mon (vieux et imparfait) dossier sur la Syrie, les américains ont martyrisé Caen pendant la seconde guerre mondiale, et plus personne ne le rappelle aujourd’hui (et c’est bien dommage). Ainsi, pour la dernière fois, comme le nom l’indique, la guerre en Syrie est une guerre, et il s’agirait de la traiter comme telle.

Kuzmanovic est aussi accusé de relayer des rhétoriques racistes dignes du Front National, avec une comparaison chômeurs, SDF et réfugiés. J’aurai aimé que ce passage soit plus documenté, à l’instar des critiques précédentes sur la FI, mais il ne s’agissait ici que d’une allégation. A ce sujet d’ailleurs, je ferai remarquer qu’être de gauche ne fait pas automatiquement de vous un immigrationniste. J’en veux pour preuve le cas Sarah Wagenknecht en Allemagne.

 

Ce qui pourrait être un hors-sujet est en réalité fortement lié à la question de la FI et de la gauche en général. Sarah Wagenknecht est une député allemande de Die Linke, dont les dirigeants ont légèrement pris leurs distances avec elle depuis la fondation de son mouvement « Aufstehen » (6 & 7). En cause, ses positions plus pragmatiques et modérés au sujet de l’immigration. D’après le NPA de Philippe Poutou, il s’agirait là de déclarations réactionnaires (venant de la part d’un parti soutenant régulièrement des réactionnaires islamistes, c’est plutôt amusant). Pourtant, et c’est à peu près la position défendue par la député, refuser de considérer béatement l’immigration et songer à en empêcher la naissance relève bien plus de l’humanisme que des positions immigrationnistes proclamées alors que des populations quittent leurs terres et subiront un sort peu enviable tout le long de leur parcours.  Aufstehen est régulièrement accusé de populisme et d’être d’extrême-droite, mais il s’agit encore une fois, là, de diffamations sans fondements. Les grandes lignes de ce mouvement sont ainsi décrites par Wikipédia (l’analyse de ce mouvement en profondeur sera pour une autre fois peut-être) :

Aufstehen

Comment peut-on décemment déclarer après cela que le mouvement ne soit pas de gauche ? On remarquera même une similitude avec certains de mes chevaux de bataille. Bref, revenons à Djordje Kuzmanovic.

Constamment accusé d’être un fervent soutien à Vladimir Poutine, alors même qu’il défend comme Mélenchon des militants emprisonnés en Russie, Kuzmanovic fait parler de lui au sein-même de la France Insoumise, au point qu’il se retrouve écarté des candidatures aux européennes, alors qu’il avait selon moi toute sa place dans le parlement.

 

Autre personnalité visé par Lignes de crêtes, Le Vent Se Lève, média souverainiste de gauche dont la plupart des positions me parlent, d’autant plus que je suis abonné à leur page Facebook depuis à peu près un an. L’essentielle de leur critique porte sur leur idéologie, la même qui fait tant polémiquer depuis le début de leur article. Un lien mène d’ailleurs à une critique approfondie de LVSL (8) sur un autre site internet, critique co-rédigée par Nadia Meziane, la rédactrice de ce pavé actuellement analysé. Au vue des énormités aperçues dans cette critique, je vous dispenserai d’une revue complète. Cependant, l’une d’elle résume assez bien le tout :

« Pendant la campagne présidentielle, et singulièrement pendant l’entre-deux tours, Le Vent se Lève a essentiellement reproduit le discours de la France Insoumise : selon les articles, ils ont applaudi la montée du souverainisme, de l’anti-européisme, bref du nationalisme […] »

A partir du moment où l’on est incapable de concevoir que le souverainisme puisse être de gauche, je doute fort que l’on puisse comprendre quoique ce soit à l’évolution de la gauche. Une autre critique récurrente attrayant à un soi-disant soutien aux dictatures Vénézuélienne, Russe et Syrienne, je pense même qu’ils ne comprennent pas beaucoup plus la géopolitique.

 

Le sectarisme de gauche, symptôme réactionnaire du progressisme

 

J’aurai pu dire encore beaucoup de choses sur cet article, qui parlait par exemple de Le Média, et sur lequel je n’ai pas envie de m’exprimer. Créer un nouveau média, vivre un tel départ en trombe, et supporter d’inutiles polémiques des suites d’une crise tout à fait logique, c’est quelque chose qui se suffit à soi-même, sans qu’aucune analyse n’ait besoin d’en rajouter.

Globalement, cet article et les digressions que j’y ai ajoutées témoignent d’une crise existentielle de la gauche. Mouvement profondément internationaliste au départ, comme l’est finalement le mondialisme de droite, la gauche devait un jour ou l’autre se retrouver face à un dilemme : comment rester socialiste quand l’idéologie la plus proche de l’internationalisme tant défendu est une idéologie individualiste et libérale économiquement ? Le vieux carcan qu’est l’opposition gauche-droite trouve ici ses limites. Au cours de cette analyse, je n’ai eu de cesse de démontrer qu’on pouvait être souverainiste et de gauche. A vrai dire, je préfère rappeler que l’échiquier politique n’a plus son utilité. Il y a des souverainistes, des libéraux, des étatistes, des socialistes, des mondialistes, des progressistes…Et cela dans chacun des bords politiques, ce qui invalide immédiatement l’idée selon laquelle les caractéristiques de ces bords seraient immuables. La géopolitique et les clivages sociétaux sont les deux aspects les plus complexes de la politique. Réduire un positionnement précis à une localisation sur une case de cet échiquier est contre-productif, tout comme l’est le réflexe de traiter de fasciste quiconque sera moins libéral que la ligne idéologique défendue par Lignes de Crêtes.

 

Il y a des critiques négatives que l’on puisse faire à la France Insoumise, je le reconnais alors que je voterai sans doute pour eux aux européennes (à confirmer par la suite). Par exemple, on peut déplorer que certains comme Danielle Obono fassent les beaux jours du communautarisme, ou que d’autres comme Eric Coquerel fassent parfois dans le militantisme outrancier. La FI est encore jeune, il s’agirait d’être patient et d’attendre un peu. Je ne souhaite qu’une chose, c’est que chacun soit au clair avec ses positionnements politiques. Si la France Insoumise devait rejeter la ligne social-souverainiste à laquelle elle adhère souvent, elle n’aurait plus qu’à s’aligner avec les Hamonistes, éternels naïfs face aux questions de souveraineté, dont certaines sorties accusant Mélenchon de chauvinisme rejoignent parfaitement les inepties lues dans l’article analysé ici.

 

 

 

1) https://www.lignes-de-cretes.org/france-insoumise-une-crise-a-la-croisee-des-chemins-bruns/

2) https://www.famillechretienne.fr/politique-societe/presidentielle-2017/je-suis-de-culture-catholique-je-connais-la-maison-!-212179

3) https://www.lejdd.fr/politique/le-discours-de-macron-au-vel-dhiv-critique-par-melenchon-et-lextreme-droite-3391313

4) https://www.huffingtonpost.fr/2017/07/17/jupiter-deraille-melenchon-soutient-le-general-de-villiers-co_a_23033714/

5) https://melenchon.fr/2018/04/02/le-jour-de-la-honte/

6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Aufstehen

7) https://www.aufstehen.de/

8) https://medium.com/@Antonyn6/le-vent-se-l%C3%A8ve-jeune-site-souverainiste-recrute-historien-du-nazisme-pour-un-plan-com-ee57ca3b57c4

 

 

 

 

 

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